La boucle Kanak ! Avril-mai 2013.


Un tour complet de la Nouvelle-Calédonie.

  
Amis lecteurs, amoureux du voyage, de la mer et des rencontres, la Tribu Free Spirit a l’immense plaisir de vous annoncer que leur aventure reprend le cap des embruns, de l’Alizé et des mouillages sauvages qui invitent à la plongée, au Kitesurf, et au farniente !

Impossible de ne pas rappeler qu’après ce gentil tour du "caillou" d’ouest en est, du sud au nord ; les choses devraient s'accélérées.
La saison des cyclones étant presque définitivement terminée, il nous faudra mettre le cap sur le détroit de Torrès (entre le nord de l'Australie et la Papouasie - Nouvelle-Guinée) via la route des Alizés de sud-est (car toujours dans l'hémisphère sud). 1 600 milles.
La navigation qui relie le détroit à l'île de Bali devrait être assez rapide car le vent et le courant pousse dans le même… et en principe ; LE bon sens. Encore 1 600 milles. Il nous faudra quitter Bali au plus tard mi-juillet.
La longue route à travers l'Océan Indien peut-être entrecoupée d'escales à l'atoll Coco Keeling (1 080 milles), l'île Rodrigue (1 950 milles), l'île Maurice (340 milles), l'île de La Réunion (120 milles), le sud de Madagascar (600 milles), et enfin l'Afrique du sud en décembre (1 500 milles). Ce qui nous fait un total approximatif d'environ 9 700 milles nautiques... Disons 10 000 milles ! A parcourir en moins de 7 mois car la saison des cyclones dans l'Océan Indien sévit à partir de la fin du mois de novembre, date à laquelle il faut impérativement avoir touché les côtes de l'Afrique du sud. La saison des cyclones dans l'Indien étant beaucoup plus active que dans le Pacifique, pas question de prendre des risques inutiles.


Koumac, situé au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie = 3 mois et demi d’escale prolongée.


Les tops à Koumac (shock comme ils disent ici) :

-         le taf au restaurant le Skipper ; bonne équipe (un grand merci à Sonia, Serge, Mado, Glorina, Christian, Alex), bonne clientèle, excellent emplacement, vue imprenable sur la baie de Koumac, le wifi (faut bien vivre avec son temps !), ses montagnes alentours, sa mangrove, son mouillage, où attend paisiblement Free Spirit, très bien abrité des vents dominants. Et quel vent : l’Alizé de sud-est souffle bougrement fort et régulier ici. Mais contrairement au sud du Caillou, il évolue au gré de la journée et de la nuit. Il souffle très fort (en moyenne 25 nœuds de sud-est) entre 11 heures et 18 heures, puis faiblit pour venir de l’est, puis du nord (à environ 6 nœuds) entre 22 heures et 6 heures. Ceux sont les brises thermiques jumelées à l’Alizé.
-         Le Kitesurf dans la mangrove et sur les îlots, un grand merci à Laurent-mon pote de ride sans qui les sessions à Tangadiou n’auraient pas eu le même goût.
-         La proximité du centre-village. 3 bonnes superettes bien achalandées, la Poste, la Pharmacie, l’hôpital, librairie-papeterie, plus une zone industrielle à 4 kilomètres.
-         La marina à moins de 150 mètres du mouillage (où se situe le resto). Sécurité supplémentaire en cas d’alerte cyclonique.
-         Il ne pleut pas beaucoup à Koumac où d’après les statistiques : elle est la ville la plus sèche de toute la Nouvelle-Calédonie. Le mont Panier situé au vent sur la côte est bloque la progression des nuages transportés par les vents dominants.
-         Et les rencontres bien-sûr, où que l’on soit : elles font toujours parties de ces petits bonheurs qu’offre la simplicité et la sincérité du voyage en bateau (un grand merci à Marine et Guy de club de voile, ainsi qu’à Lydie et Thierry de la marina).

Les flops (pas shock) :

-         alors là : pas besoin de se creuser la tête où d’aller chercher midi à quatorze heures !
-         les moustiques sont réputés dans le monde entier comme « surnaturels » ici ! Souvenez-vous ce squetch de Patrick Timsit : « A Koumac : les moustiques, ils ne te piquent pas, ils t’empalent… ». Ce n’est pas un mythe. Non non. Alors on s’organise : mise à part les produits répulsifs : il en faut mais pas trop car on peu se poser la question à savoir ce qui est plus pire pour la santé ! Le bateau est tout le temps fermé. Et donc il fait très chaud (phénomène très important et trouvant parfaitement sa place parmi les flops. Koumac étant la ville la plus chaude de Nouvelle-Calédonie) ; 32 à 35° avec 80 à 95 pourcent d’humidité dans l’air. Donc je dors dehors, et là : moustiquaire obligatoire.
-         Dans les flops : on peut également déplorer la couleur de l’eau ; elle est verte, trouble, chargée de vase en suspension (merci les mines de Nickel), et habite des requins, des serpents, des raies, des méduses et j’en passe. Bref. De toute façon : y’a pas de plage sur toute la commune et même au-delà.



Revenons à notre journal de bord !


-         Lundi 1er avril 2013 :
Il est grand temps pour tout l’équipage de Free Spirit de changer d’air, de paysage et d’horizons. Tout vient à point à qui sait attendre. Et lorsque c’est bien cuit : une seule chose reste à faire ; partir... Donc Action ! Dit-il 2 ans et demi exactement après avoir coupé le cordon ombilical  nous reliant au territoire métropolitain !
14h00 :  mouillage relevé, ancre rangée à son poste de navigation, au moteur, nous nous dirigeons vers la passe de l’îlot Kendec, ouverte sur le grand large telle une porte de sortie vers la liberté des grands espaces. Il fait beau et le vent de sud est faible, trop faible. Et en plus nous le touchons pile de face.
Il est 17 heures 30 lorsque la brise de sud nous apporte un peu d’espoir. Les voiles prennent la relève tandis que le moteur peu enfin se reposer.
Que la force vélique soit avec vous ! Tout dessus (phénomène plutôt rare), au près tribord amure, barre amarrée, nous nous déhalons tranquillement dans 8 à 10 nœuds de vent. Là d’accord ; le près dans ces conditions : OK !
Ce petit bonheur là va se pérenniser toute la nuit. Et même mieux encore. Puisque vers 20 heures ; le vent va tourner à l’est sud-est, puis est, et même est nord-est ! De la balle ! Et c’est ainsi que sans forcer : vers minuit, nous faisons une route directe idéale au 110-120°. Objectif île des Pins droit devant !

-         Mardi 2 avril :
5h30 :  le vent forcit à 15-18 nœuds mais sans changer de direction. Merci Eole. Le 1er ris et pris sans réduire le génois. Grâce à la nouvelle coupe de ce dernier que m’a si aimablement donné Anne et Ghislain du voilier Sun Dance rencontrés à Opua en Nouvelle-Zélande ; je peux le garder entier jusqu’à 18-20 nœuds suivant l’état de la mer. Quelques lames viennent se déversées sporadiquement sur le pont avant. Rien de bien méchant en somme. Et puis ce petit sursaut audacieux de vent frais ne va pas durer longtemps…
7h00 :  vent faiblissant ; je relance toute la grand-voile.
Et ce qui devait arriver arriva… à 11h30 ; Eole tire définitivement sa révérence. Tant pis pour nous.
Maître « moteur Nanni Diesel de 21 cv » lève le doigt et se propose gentiment d’assurer notre propulsion en échange de quelques litres d’or noir. Ainsi soit-il.
14h30 :  la mer se ride, la brise siffle légèrement dans les haubans, les voiles se hissent et le moteur se tue. Nous repartons, au près, à la gîte bâbord amure, tiré par un vent d’est sud-est suffisamment vaillant pour nous déhaler, cap plein sud.
Le ciel est laiteux et ne laisse guère d’espace à son habituelle et préférable couleur bleutée. La visibilité est mauvaise ; à moins de 20 milles de la barrière de corail, nous n’apercevons aucun signe de terre quelconque. Sur la côte est ; il m’est arrivé de visualiser les montagnes que composent le Caillou à plus de 60 milles !
Nous avons parcouru 70 milles en route fond, pour 85 milles en route surface ces première 24 heures.
19h00 :  heureux qu’il est mon Free Spirit de pouvoir enfin se dégourdir la carène à la faveur d’une bascule de vent au nord-est à 15-18 nœuds. Nous faisons route directe au 110°, et en bonus ; je peux choquer légèrement les voiles afin de nous caler à l’allure de bon plein, bien plus rapide.
Principe de précaution ; je prends un ris dans la GV car Météo France nous annonce de fortes pluies et même des orages accompagnées de vilaines rafales.
21h45 :  comme prévu ; la pluie tombe dru. La nuit nous enveloppe complètement dans sa couleur préférée noir de jais. En revanche, Eole nous abandonne lâchement. S’en suit l’affalage des voiles, ainsi qu’un gros dodo. Enfin pas tout à fait, la veille est obligatoire sous forme d’une inspection à 360° toute les heures. Pas de moteur la nuit ; c’est la règle et le secret pour une nuit calme. De plus si on ne voit pas à cause de l’obscurité, au moins on entend tout ! Ce sont ce genre de petites habitudes là qui forgent l’esprit du navigateur solitaire ou du bon sens marin.
4 milles à rebrousse-chemin seront la conséquence de 8 heures à la dérive. La cause : le courant de sud-est qui porte donc au nord-ouest. Il est plutôt faible sur la côte ouest mais peu atteindre 2 nœuds sur la côte est. Souvenez-vous notre première tentative de traversée entre Hienghène et Ouvéa fin mai 2012.

-         Mercredi 3 avril :
Après une nuit bercée dans les bras de Morphée, Eole daigne nous donner un petit coup de pouce. Et comme toute la Calédonie (sauf votre serviteur !) ; il se lève tôt !
5h30 :  pas le temps de prendre un p’tit dèj ou de se faire un brin de toilette. Le vent de sud sud-ouest 15 à 18 nœuds (eh oui, incroyable mais vrai. Ca arrive une fois tous les 36 du mois !) n’attend pas. Le ciel étant encore très menaçant : prudence. Je hisse la GV à un ris plus la trinquette. La mer est peu agitée mariée à une longue houle de sud d’environ 1,5 mètre.
Alors ce qui est curieux, et dans un sens ou dans un autre, plutôt sympathique et atypique (vous me suivez !) ; c’est que nous gardons le même cap qu’hier, le bon cap de surcroît, sauf que nous avons changé d’amure. Un coup bâbord amure, un coup tribord. Un coup ça gîte à droite, un coup ça gîte à gauche. Dans une zone de navigation où l’Alizé de sud-est sévit plus de 330 jours par an. C’est du pain bénit ! J’utilise le verbe sévir car c’est bien de cela qu’il s’agit. Tirer des bords de près dans 20 à 25 nœuds de vent avec des creux de 2 à 3 mètres et un courant constant de 1 nœud et plus ; avec un dériveur intégral préparé pour le voyage ; cela relève de la prouesse chimérique. On nage en pleine utopie ! En résumé : c’est bien simple : c’est pas f’sable !
Bref : tout ça pour insister sur le fait que finalement ; on a de la chance ! Et je me délecte assez de cette idée là.
10h00 :  le vent faiblit et vire à l’est nord-est. Pas de panique ; je relâche le ris et repasse bâbord amure.
12h30 :  beau temps belle mer ! Tout est de plus en plus calme. Notre carburant naturel préféré tourne une nouvelle fois au sud sud-ouest. Il faut le vivre pour le croire ! On vire enfin pas tout à fait ; nous changeons encore d’amure tout en gardant notre cap. La brise, bien que très légère, suffit à nous déhaler petitement.
Il est peu glorieux d’annoncer une telle moyenne : 120 milles en route fond, pour 140 milles réellement parcourus en route surface ces premières 48 heures.
14h30 :  le vent s’accélère pour atteindre 20-25 nœuds en rafales. Je prends un ris, enroule le génois et hisse la trinquette. Cap au 120-130°, allure de bon plein. La mer s’agite. Barre amarrée ; nous tenons aisément les 5 nœuds de moyenne. Mais surtout, quelle plaisir de sentir sa monture filer droit au but sans fatiguer dans la mer déchaînée, sur le bon cap et à vive allure (enfin vive allure ; tout est relatif !).
En évoquant le cas de Trinquette pour qui, elle aussi, la mer devait, j’ose le croire, lui avoir manqué ; je constate que si il y avait 25 heures dans une journée, elle pourrait allègrement totaliser 24 heures de dodo.

-         Jeudi 4 avril :
Après une nuit de veille toute les heures (vous imaginez comme mon sommeil a pu être lège), je constate le changement de conditions de navigation.
8h00 :  l’Alizé de sud-est est là et bien là, soufflant à 15-18 nœuds pour le moment.
Inévitablement ; et depuis hier soir déjà, nous devons louvoyer, tirer des bords de près et donc rallonger notre route. Cap au 80° sur l’amure tribord, et au 200° sur l’amure opposée. La bonne nouvelle : c’est que nous nous situons à proximité de la passe de Dumbéa, distante d’une quinzaine de milles.
Le ciel est très nuageux, la mer agitée, longue houle de sud 1,5 à 2 mètres.
La météo nous annonce un renforcement de l’Alizé pour le sud de la Nouvelle-Calédonie dans les heures prochaines.
Dans ces conditions ; il me faut changer mes plans. Il reste 90 milles à parcourir pour atteindre l’île des Pins. Ce qui veut dire au moins 160 milles en route surface, mais surtout beaucoup de peine si le vent souffle à 25 nœuds et plus en rafales.
Je décide de pénétrer dans le lagon via la passe de Dumbéa, et d’y louvoyer afin d’éviter la mer qui freine irrémédiablement la progression de Free Spirit. Et nous verrons où cela nous mènera…
Conséquence d’une telle décision : fini la sieste ! il me faut veiller les hauts-fonds, îlots de sable, bouées, balises, platiers et embarcations en tous genre. Naviguer au GPS, sondeur, sans oublier le bon sens marin, à savoir la vue.
10h00 :  la météo ne se trompait pas ; l’anémomètre enregistre des claques à 25 nœuds. Le méchant clapot s’invite dans notre paysage. Je ne me sens pas de continuer dans ces conditions.
Escale prévue à l’îlot Maître, juste en face de Nouméa, que nous atteignons à 14h00 après avoir parcourus 195 milles en route surface (165 milles en route fond) en 3 jours exactement.
7 heures de moteur et donc 7 heures de barre pour Loulou !
Demain après-midi ; Kitesurf sur le platier de l’îlot Maître avec un petit détour par la pointe Magnin afin de dire bonjour aux potes (ah qu’il est bon de retrouver de l’eau claire) puis Free Spirit sera mouillé à la Baie des Citrons en début de soirée.
A noté que nous sommes passés de 34° à 26° et même 24,2° la nuit en à peine une semaine !

-         Mardi 9 avril :
Toujours mouillé au sein de la très mouvementée baie des Citrons depuis vendredi soir (non pas par les conditions au mouillage mais plutôt par la musique et autres nuisances sonores occasionnées par les nombreux bars de nuits situés dans la place).
L’ancre vient se loger tranquillement dans son davier. Il est 10h30, la manœuvre se passe sans l’aide du moteur, comme à chaque fois que les conditions le permettent.
L’Alizé souffle du sud-est 20-25 nœuds, accompagné de creux de 1 à 1,5 mètre dans le lagon. Beau temps chaud et sec. Il nous faut remonter au près les 25 milles qui nous séparent du mouillage de l’île Ouen, c’est notre objectif du jour. Transiter le passage  de Woodin sera celui de demain.
Nous tirons un premier long bord de près sous GV à 2 ris + trinquette qui nous transporte à 4 milles sous le vent de l’îlot Amédée surmonté de son majestueux phare.
Après plusieurs bords, je ne saurais dire le nombre exact ; je laisse tomber la pioche dans 4 mètres de fond.
Il fait nuit, et pour cause ; il est 20h30. Ca fait du bien quand tout ça s’arrête ! Nous avons parcourus 45 milles en 10 heures pile…  2 fois la distance et 3 fois la peine ! No comment…
Ce soir ; la soirée crêpes m’envahit d’un certain apaisement, arrosées d’une de mes dernières Hinano de Polynésie. Ca baigne !

-         Mercredi 10 :
Baie de Prony ou Port Boisé ; je n’ai pas encore choisi. Dans les 2 cas ; nous devons emprunter le fameux passage Woodin qui sépare la Grande Terre de l’île Ouen.
Le ciel est généralement couvert, et l’Alizé se repose de ses folies de ces 5 derniers jours. Vent de sud sud-est 15 nœuds.
Nous quittons notre sauvage mouillage à 10 heures du matin, toujours à l’ancienne sans gaz à effet de serre et autres nuisibles tracasseries sonores et odorantes. Il nous faut encore louvoyer mais cette fois ; nous sommes aidés par le courant de marée descendante et donc favorable de 1 à 2 nœuds. Free Spirit arrive à effectuer du 45° au vent réel bord sur bord. Ben ça ; faut l’faire…
Finalement : je décide de passer notre chemin et de pousser jusqu’à Port boisé, que nous touchons à 14h00. Mouillage sur corps-mort. 22 milles parcourus en 4 heures.
Nous sommes idéalement placés pour un départ canon vers l’île des Pins lorsque la fenêtre météo s’ouvrira laissant s’échapper Free Spirit vers sa prochaine destination.

Ancien repère de bagnard au sein d’une toute ancienne mine de cobalt, Port Boisé est une escale calme et tranquille. La baie est entourée d’une nature sauvage et luxuriante, avec une petite rivière en amont. Les eaux sur le récif y sont claires et surtout très poissonneuses.

-         Samedi 13 :
9h00 ;  la fenêtre météo s’ouvre ; les oiseaux du nid « Free Spirit » prennent leur envol !
Vent de nord-est 20-25 nœuds, avec quelques rafales à 30 nœuds sous grains. Houle de sud de 1,5 mètre. Mer agitée.
Cap au 110°, allure de près bon plein sous GV 2 ris + trinquette.
4 bords de près afin de gagner le mouillage de la Baie de Kuto sur les 5 derniers milles et le tour sera joué !
Nous accostons à 16h00 au cœur d’un des plus beau cadre que peu offrir la Calédonie après avoir parcouru 45 milles dont 35 sur le même bord. On s’en sort très bien quand on pense que cette route est exactement dans l’axe de l’Alizé.   

-         Mercredi 17 :
Bon anniversaire Cousin ! Moi je pars pour l’atoll de Nokanhui, îlot Toméré !
9h30 :  c’est parti, j’ai un peu le trac dis donc… à cause de toutes ces histoires que l’on peut entendre autour de cet atoll soi-disant inaccessible de part un peu sa situation géographique, mais surtout je dirais ethnique et aussi tribale.
Si tu fais « la coutume » auprès des bonnes personnes, que tu as le bon feeling et la chance de ton côté ; ça passe… la preuve…
18 milles parcourus pour rejoindre l’îlot Toméré, tout dessus au louvoyage. Vent faible 8-12 nœuds, mer peu agitée, houle de sud 2 mètres, ciel très nuageux.
Les dauphins nous accompagnent par moment, et une bonite se laisse piégée à notre ligne de traîne. Que de bons présages dirons-nous.
Appuyé du moteur et fesses très serrées ; nous nous faufilons prudemment par-dessus le bout de récif effondré, dérive relevée, tout en slalomant au milieu d’un chant de mines coralliennes.
14h30 :  par 1,8 mètre de profondeur ; je contemple mon ancre et sa chaîne serpentant sur fond de sable blanc, faisant jaillir un magnifique vert turquoise éblouissant.
J’ai réussi à passer 5 jours sur îlot Toméré, un petit bout de paradis qui me rappelle beaucoup la Polynésie. Après avoir fait la coutume (un paquet de tabac à rouler, une boîte d’allumettes, des feuilles à rouler, un paréo, une bouteille de vin, et un billet de 1 000 balles). Faut ce qu’il faut ; si tu fais pas ça ; tu te fais méchamment virer, voir menacer. Et en principe ; il n’autorise pas de passer la nuit. J’ai eu de la chance.

Coté péripéties ; j’ai essuyé un vilain grain au mouillage dans 1,8 mètre de fond heureusement (dérive relevée, ainsi que le centre de gravité ! Lorsque la première grosse bouffe est venue bousculer Free Spirit : nous n’étions pas encore face au vent, et j’étais sur le pont. Surpris par le coup de gîte si rapide et si impressionnant ; je me suis jeté sur le rouf, tête en haut, affalé et accroché à la main courante. J’ai bien cru que j’allais passer par dessus bord. Les rafales ont dépassé les 50 nœuds à l’aise. J’ai vu 49 sur mon anémomètre, et vous imaginez bien que je n’ai pas passé les 60 minutes que cela à durer à mater le petit écran de mon répétiteur. La pluie tombait d’une rare violence pour nous marteler sans retenue aucune, les éclairs zébraient le ciel tel un forgeron s’acharnant sur son épée, le ciel grondait son insatisfaction. Un véritable enfer !
Et rebelotte le lendemain matin, mais moins fort ! Bilan ; nous n’avons pas dérapé d’un pied, malgré un évitement à 300°. Par contre dans la bataille l’annexe s’est retournée sans que je m’en aperçoive tout de suite. Laissant partir une paire de tongues, palmes masque et tuba. J’ai retrouvé le masque/tuba le lendemain à moins de 10 mètres de la jupe.
Côté anecdote insolite : j’ai eu un p…..n de tricot rayé dans l’annexe, profitant de la chaleur procurée par mes palmes (mes anciennes palmes) placées en plein soleil. Je vous dis pas la frayeur. Si y’avait eu un cocotier à proximité ; j’aurai pu me cogner à ses noix !
Une deuxième fois ; j’en retrouve un autre entre la housse de protection de l’annexe et l’annexe. J’le vois débouler paisiblement du trou de la dame de nage. J’étais sur la jupe, j’allais monter dans l’annexe, et comme d’hab ; j’ai fait un bon à me retrouver au 2ème étage de barres de flèches ! Pas te pot ; je venais juste de larguer l’amarre. J’ai dû prendre mon courage à 2 mains, plonger, et ramener mon annexe à la nage au bateau. Puis virer mon ennemi de son logement. Pas facile car il n’y tenait pas tant que ça.
Et enfin une troisième fois, à l’heure du coucher du soleil. Je vois Trinquette curieuse, et attirée par quelque chose sur la plage arrière. Je l’entends pousser des cris tel le fauve qui défend au péril de sa vie son territoire chéri si durement acquis. Je comprends tout de suite et cette fois-ci ; c’est moi qui me précipite sur zone afin de venir au secours de mon équipière aussi féline que chétive. Elle a vraiment peur de rien la guerrière aux oreilles pointues ! Le tricot était déjà sur la marche. Il avait profité de l’échelle de bain en position sortie ! Si tu fais pas gaffe ; ils ont vite fait de venir te caresser les tétons dans ton propre plumard ces vilaines bêtes.
A oui : un dernier point concernant l’accès à l’atoll de Nokanhui. La passe, qui n’en est pas une, est en fait un effondrement de la barrière récifale à un endroit précis. L’aller s’est bien passée. La sortie a été plus pittoresque. La cause ; une montée de houle assez conséquente. Pas de problème au niveau de la profondeur ; j’ai eu 1,8 mètre au plus haut. Il faut naviguer à vue bien évidemment afin d’éviter quelques très hauts-fonds. Mais le souci : ce sont les vagues qui montent et déferlent n’importe où n’importe quand et n’importe comment. Mais heureusement par série. Je suis passé mais avec la peur au ventre tout de même. On peut pas dire que j’ai été fier tout le temps quoi !
Mis à part ces petits tracas ; l’endroit est d’une telle beauté que ça fait vite oublier le reste.
Vous vouliez une description du spot où contemplation et plénitude règnent en maître des lieux : et bien demandez donc à Dame Nature ce qu’elle a pu imaginer de mieux en matière de façonnage ambiance îlot de sable fin et sa langue venant si délicatement lécher une eau turquoise d’un coté car faible profondeur, et à pic de l’autre dans un bleu Moana (qui veut dire couleur de l’océan juste derrière la barrière de corail en Polynésien) à plus de 20 mètres de fond. L’îlot Toméré se dore au soleil des Tropiques sous un ciel azur parsemé de quelques cumulus blancs et duveteux. Unique en territoire Kanak. Y’a pas à redire ; il est un des plus beaux spots de la Nouvelle-Calédonie. Dommage que toutes activités nautiques y soient strictement « tabou/interdites ».
Accessoirement ; la Tribu Free Spirit fête un anniversaire : un an jour pour jour que nous sommes en Kanaky ! 

- Lundi 22 :
A regret ; nous devons dire au revoir à l’îlot Toméré et sa langue de sable telle une flèche pointée vers le paradis, et faisons cap vers la sortie de l’Atoll Nokanhui, délimité par son arc de barrière corallienne.
8h00 :  ancre relevée, nous quittons notre mouillage sous génois seul plein vent arrière. Il vient du sud environ 10 nœuds. Le beau temps semble enfin s’installer.
Petite inquiétude : la dite passe est plus ou moins barrée par quelques déferlantes. Appuyé du moteur ; nous allons devoir forcer le barrage entre 2 séries de vagues. Pas de panique, j’accélère promptement au moment critique, 1,8 mètre de profondeur au plus haut, pas d’ondulation à l’horizon ; ça passe. Ouf, c’est fait…
15 milles à parcourir afin de rejoindre notre prochaine escale ; à savoir la baie d’Oro.
Nous voguons d’endroits magiques en spot idylliques. Bien sûr ; cette baie là n’est pas aussi sauvage que notre précédent mouillage, et l’hôtel Le Méridien ne s’y est pas trompé, mais tout de même. Ca vaut largement un arrêt/minute... 

- Mardi 23 :
Nous entamons la remontée vers le nord, avec comme premier objectif Maré ; l’île située la plus au sud de l’archipel des Loyautés. Puis nous enchaînerons avec Lifou, Ouvéa et Beautemps-Beaupré. Avant un retour sur la Grande Terre.
Je décide d’effectuer la traversée de nuit afin d’arriver au Cap Roussin (situé au nord-est de l’île) avec le soleil haut dans le ciel.
18h00 :  Tchao merveilleuse île des Pins. Cette fois ; je ne te reverrai pas de sitôt mais rassures-toi, ou plutôt rassures-moi ; ce n’est qu’un au revoir !
Vent d’est sud-est 15 nœuds, mer agitée, houle résiduelle d’est 2 à 2,5 mètres due à une dépression située au sud des îles Fidji. Ciel peu nuageux.
A vitesse correcte ; nous filons droit sur le cap sud-est de Maré, distant de 65 milles, GV à un ris + génois, allure de petit largue, cap au 20°. 
Je sais que l’image peut paraître un peu cliché, mais les dauphins nous montrant la route à suivre, surfant la petite vague d’étrave créée par la progression sans faille de Free Spirit, le tout généreusement éclairée par l’astre lunaire ; et bien ça n’a pas de prix !

- Mercredi 24 :
5 heures du matin ; nous avons rejoint le sud-est de Maré en 11 heures seulement. Cap plein nord au grand largue ; nous longeant la côte est, dite au vent, qui nous fait rencontrer de méchantes mers et houles croisées en tous sens. En clair ; on se fait secouer comme un prunier !
En récompense d’un début de matinée plutôt mouvementé ; un tazard se fait surprendre à notre ligne de pêche. J’utilise toujours les mêmes leurres à savoir les poulpes en plastiques de couleurs rose/blanc/orange, par contre, ils sont agrémentés de doubles hameçons. Et il semblerait que le mariage fonctionne à merveille.
Nous arrivons au mouillage sauvage du cap Roussin à 11 heures, après avoir parcouru 105 milles en 17 heures. A une moyenne très honorable de 6,2 nœuds.
Loulou a barré 16 heures et 1 heure pour le cap’tain.
Très belle plongée. Le mouillage se situe dans un petit lagon fermé par une barrière de corail, face une minuscule petite plage, dans la continuité de roches/corail, surélevé de quelques cocotiers.   

- Jeudi 25 :
Départ à 6h30 du matin. Objectif Lifou. Vent de sud-est 20-25 nœuds, mer très agitée, houle courte d’est 2 mètres croisées. Ciel très couvert. 
L’unique passe dans la barrière corallienne débordée ; nous faisons route au 300° plein vent arrière. Je teste une nouvelle façon de descendre au portant. Ma dérive est entièrement relevée, le génois est tangonné sur bâbord et la trinquette est hissée sur tribord. Nous sommes légèrement bâbord amure. Il semblerait que le bateau se comporte pas plus mal, le roulis paraît plus lent et moins violent. Et Loulou s’en tire très bien sans forçage et sans départ au lof. A voir sur une longue traversée.
13h00 ;  le ciel se charge et nous apporte un peu de pluie. Sur la terre, la pluie paraît beaucoup plus abondante. Et la visibilité devient médiocre. 3 ou 4 milles avant Wé, nous tombons sous la dévente de l’île. 
Nous pénétrons dans la marina de Wé, sur la côte est de l’île de Lifou à 14h30. L’accostage étant exécuté sans accro (la marina est parfaitement abritée du vent dominant), je constate au premier abord que l’eau est étonnement claire dans le port ! 





LIFOU ; bienvenu en territoire Drehu !
Avec ses 1 150 km2 (grand comme la Martinique, mais assurément beaucoup moins peuplée, 8 627 habitants ! ), l’île peut se vanter d’allonger parmi les plus belles plages de Kanaky. Cocoteraies, vanilleraies, forêts profondes, arbres fruitiers foisonnants, falaises vertigineuses surplombant les flots turquoises, grottes immenses, anses secrètes, sites de plongée de toute beauté, la nature s’est une fois de plus surpassée en ces latitudes bénies.
           
            Nous sommes restés bloqués 6 jours à la Marina pour cause d’alerte météorologique. Et au sein de la grande baie de Chateaubriand, où se situe la capitale Wé ; le mouillage sauvage est carrément proscrit. Sauf par temps très calme, en face du club de voile (bon spot de planche-à-voile et de kitesurf). Lors de notre séjour ; les plus grosses vagues atteignaient 4 mètres sur la barrière récifale, et les passes étaient infranchissables. La pluie est tombée en abondance pendant 4 jours et le vent de sud-est s’est établi entre 20 et 45 nœuds, même au-delà de ce que les services de météo-France annonçait comme la fin de l’alerte-baston !
            Je fais la rencontre de quelques gens de bateaux très sympathiques. Aurélie et son fils Moana, et Christina et Pascal auront indiscutablement contribué à améliorer mon escale prolongée à Wé. Nous avons encore beaucoup de connaissances en commun. Pascal a par exemple était moniteur de voile à l’école de M. Albeau (le Papa d’Antoine) à La Couarde sur l’île de Ré. Et aujourd’hui, à l’autre bout du monde, nous kitons ensemble avec son fils de 18 ans. Et Christina a connu la Polynésie puisqu’elle est venue en voilier d’Espagne ! Et là encore nous passons ensemble un petit bonjour à Aurélia et Florent, Titawa et Guillaume Chastagnol, Pierre Cosso…
Aurélie et Moana m’explique longuement la vie traditionnelle en tribu, et ils en connaissent un rayon. La case fait intégralement partie de cette culture riche et diversifiée. Je constate qu’un emplacement est spécialement prévu au cœur et à même le sol de la case afin d’y accueillir une généreuse flambée. Ca peu faire peur lorsque l’on sait que 100 % de la structure est en bois, en paille pour la toiture, et en terre et feuillages de cocotiers pour les murs. Le feu est nécessaire et indispensable tout au long de l’année car il assure l’étanchéité de la toiture, assainie l’air ambiant et régule le taux l’humidité toujours très élevé dans cette partie du monde ! Il n’y a pas de cheminée. Au mois d’août, le thermomètre peu descendre en dessous de 12 degrés le matin. La nécessité de pouvoir faire un feu devient ainsi vitale !

-         Mercredi 1er mai :
6h30 :  amarres larguées, musoirs débordés, bateau rangé et paré à prendre la mer. Et quelle mer !  Malgré le retour du beau temps ; il semble évident que la météo nous ai encore leurré…
30 minutes de moteur le temps de nous sortir de la dévente, et voici que l’anémomètre commence son petit manège ascensionnel irréversible . Et vas-y qu’ça prend des tours !!! 10, 15, 20, 25 puis rapidement dans la foulée 30 nœuds d’Alizé de sud-est bien établis ! La mer est encore forte ;  3 à 3,5 mètres de creux peut-être plus par série. Le peu de nuages présents dans le ciel défilent à la vitesse d’un cheval au galop.
Nous contournons l’île par le nord-est, et donc par la côte au vent, allure de grand largue, sous génois seul, afin de rallier le superbe et surprenant mouillage de Jokin. Le petit déjeuner est cruellement mouvementé (ça faisait longtemps soit dit en passant !) et en plus interrompu par une nouvelle prise à la ligne de traîne que je viens juste de plonger avant de faire chauffer la bouilloire ! C’est un thon jaune cette fois, plutôt rare comme pêche. Pas facile à remonter l’animal… Shit ; my cup of tea is cold !
11h00 :  et 23 milles accumulés au compteur. Je laisse tomber la pioche par 12 mètres de fond. L’eau est cristalline. Et le tableau vaut le détour artistique.
Free Spirit est mouillé aux pieds de vertigineuses falaises de 40 mètres de hauteur, recouvertes d’une végétation luxuriante, et surmontée par de grands pins colonnaires au cœur même de la Tribu de Hnathalo, le tout surplombant une diversité de fonds marins créant un tableau scintillant et mouvant de bleus, verts turquoises, jaunes et j’en passe. On me dit que d’août à septembre : les baleines à bosses viennent y mettre bas.  
La plongée en PMT est extraordinaire, et les requins ne diront pas le contraire si vous voyez ce que je laisse supposer !

A 19 heures le même jour ; d’ailleurs il fait presque nuit, nous reprenons la mer afin de rallier l’atoll d’Ouvéa. Lorsque l’étape dépasse les 40 ou 50 milles de distance ; je préfère opter pour une navigation de nuit, histoire d’être certain d’effectuer un atterrissage de jour en bon et du forme.
L’Alizé est toujours au sud-est, mais souffle à 15-20 nœuds. Rien à voir avec ce matin.
Et de toute façon ; nous ne sommes pas pressés.
Free Spirit doit parcourir 55 milles en tout.
Au petit jour ; nous pénétrons dans le lagon par sa passe sud. Il reste 9 milles à parcourir jusqu’au mouillage de Fayaoué, situé juste devant le club de voile où travaillent mes amis Bertrand et Pilo, que je vais revoir avec la plus grande joie. Et pas les mains vides afin d’agrémenter nos retrouvailles. Peu avant 7 heures et juste après avoir franchi la passe ; je plonge par habitude la ligne de traîne. A peine eu le temps de régler le voiles au mieux de notre nouvelle allure de près bon plein que le fil de nylon se tend comme une ficelle de string ! Banco : une très belle carangue bien dodue, parfaite pour un passage gratuit à la braise !
8 heures du matin, le jeudi 2 mai :  l’ancre touche enfin le fond par 2,5 mètres au sondeur. Il fait un temps superbe, à l’image du spot !
55 milles parcourus en 11 heures. Nous aurions pu arriver une heure plus tôt si, à mi chemin ; un grain pluvieux, lent et imposant ne nous avez pas englué et privé de vent pendant trop longtemps. Il faut accepter et s’adapter. Et puis vous savez ce qu’on dit : « avec des SI… » ! 

-         Vendredi 3 mai :
Nous sommes au cœur des célébrations de l’anniversaire des évènements d’Ouvéa. Il y a 25 ans, ce drame avait plongé l’île la plus proche du paradis comme on dit ici en véritable bain de sang avec 26 êtres humains arrachés à la vie lors de la prise otages de la gendarmerie par un groupe d’indépendantistes extrémistes Kanaks ainsi que les affrontements qui en découleront. Aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie et la métropole pansent leurs plaies ensembles, côte à côte, dans le respect et l’humilité où seul le temps et l’intelligence du peuple jouent leur rôle de cicatrisant…

            Nous appareillons pour l’îlot Deguala, situé au cap 315° et centré dans les Pléiades Nord, à 14 milles du club de voile. Le très beau temps persiste et signe, le vent de sud-est s’envole péniblement à 6-8 nœuds. Nous nous laissons glisser plein vent arrière pendant près de 5 heures sur une mer on ne peut plus calme, toutes voiles dehors en mode ciseaux.
Ce nouveau site féerique me rappelle beaucoup les 2 petits îlots de P’tite Terre appartenant à la Guadeloupe.
J’attache Free Spirit avec 2 amarres directement frappées sur l’îlot, et une ancre au milieu du chenal, au cœur d’un aquarium naturel d’à peine 2,5 mètres de profondeur, afin de le garder écarté de la bordure rocailleuse. A ne faire qu’en cas d’absolue confiance en la météo car nous sommes complètement entourés de terre… non pas tout à fait ! A l’ouest ; un petit passage laisse chaque soir la libre expression au soleil de se coucher sur l’horizon lointain dans une explosion de couleurs chaudes et sensuelles.
Ici ; il n’y a pas d’iguanes, mais des roussettes et des serpents !
En plongée, même sans chasser ; la ronde des requins de récifs à pointe blanche ou pointe noire est omniprésente. Une fois le poisson tiré ; plus question de retourner dans l’eau, le sang les rend beaucoup trop agressifs et imprévisibles. 

-         Lundi 6 :
3 jours à contempler, rêver, admirer, et penser aux gens que j’aime et me dire que je donnerais cher pour qu’ils soient là avec moi, Famille, Amis… Ils me manquent tellement. Et l’isolement en milieu paradisiaque n’arrange rien, bien au contraire. Je n’ai pas d’arme pour me défendre contre ce sentiment de vide qui me prend de plus en plus souvent. Je continue à profiter pleinement du temps et de l’emplacement  présents tout en songeant aux miens et aux futures retrouvailles…

Hauts les cœurs, hissez haut !
Le programme continue. L’escale suivante nous conduit à l’Atoll de Beautemps-Beaupré, distant de 16 milles de Deguala (aussi baptisé Jehuten en langue Kanak iaaï).
Le vent d’est reste encore très faible, et un courant marin de 1 à 1,5 nœud ralenti considérablement notre lente progression vers l’ouest nord-ouest d’Ouvéa.
Nous avons le temps et profitons pleinement d’une mer calme, d’un bleu profond, rendu intensément brillant par le Dieu Soleil qui n’en fini plus de nous assommer. C’est donc cela la navigation de plaisance ! Comme quoi, on en découvre tous les jours ! 
Comme par jalousie, le relief de la Grande Terre se dessine au sud-ouest, pourtant distante d’environ 60 milles de notre position.
Nous approchons du but vers 16 heures. Il était temps car ce serait pure inconscience de vouloir pénétrer dans le mouillage sans avoir une parfaite visibilité de la barrière récifale et de ses patates de corail affleurantes. La passe est franche, profonde d’une petite dizaine de mètres, large d’environ 20 mètres. Le corail s’élève tel des murs abrupts de chaque côté, sur quatre-vingt mètres de longueur, puis laisse place à une large zone de mouillage dans plus ou moins 3 mètres de fond de sable… Magique…
Ancré par 2 mètres de fond de sable, à moins de 20 mètres d’une magnifique plage de sable fin bordée de cocotiers ; les superlatifs manquent objectivement pour décrire un tel spectacle. Beautemps-Beaupré : c’est un peu le Saint-Graal d’une quête de paradis perdu, toujours plus beau, toujours plus sauvage. Depuis des milliers d’années : le temps semble ne pas avoir d’influence sur ce petit bout de paradis terrestre et maritime, exempt de toute pollution, loin du mal, loin des hommes. Ici : tout n’est que plaisir des yeux.
La plongée y est extraordinaire et resplendissante de vie et de couleurs. L’eau est translucide et la visibilité incroyable. Attention aux requins que l’on voit s’approcher de loin.
La terre abrite quant à elle le règne de gigantesques roussettes, serpents et araignées, colonies d’oiseaux en tous genres…

-         Mercredi 8 :
Free Spirit tourne sa poupe à la beauté des Loyautés, et pointe de nouveau sa proue vers la Grande-Terre. Objectif Hienghène.  80 milles à parcourir vers l’ouest, dans le 255° exactement. Une traversée que va nous faire très vite replonger dans les réalités de la vie trépidante, tumultueuse et imprévisible à bord d’un voilier ! Du paradis vers l’enfer…
7h00 :  le bulletin de météo France pris par mon petit poste de radio sur les grandes ondes nous indique un Alizé établi au sud-est 15 à 20 nœuds, avec des rafales pouvant atteindre 25 nœuds sous averses sporadiques, mer agitée sur houle moyenne de 2 mètres !
Je suis sceptique quant à la véracité de leurs prévisions. Ce ne serait pas la première fois qu’il se trompe. De plus ; il me suffit d’observer les conditions à l’extérieur de l’atoll. Le blanc prédomine sur la mer, et le gris dans le ciel. Il paraît que ça devrait se gâter demain, donc à 9 heures, je décide de lever l’ancre et de mettre le cap sur Hienghène comme prévu.
Grand-voile hissée à 2 ris, j’ai l’intime certitude qu’il me faudra tôt ou tard prendre le 3ème ris, donc pourquoi faire plus tard ce qu’on peut faire maintenant.
Moteur éteint, un petit bout de génois déroulé, bâbord amure, allure de largue, nous filons déjà à plus de 9 nœuds au surf sur des vagues culminantes allègrement à 2,5 mètres. L’anémomètre ne dépasse pas les 30 nœuds pour le moment. Mais toute cette mascarade ne va pas durer.
A midi ; le ciel s’assombrit et se charge de désespoir et de violence. Et à 13 heures ; l’apocalypse était now ! Pluie drue, vent établi à 40 nœuds, avec des pointes à 45. Mais le pire vient de l’état de la mer ; déchaînée et irrationnelle. Le vent ayant forcit soudainement, la mer a suivi le mouvement du mimétisme. A notre route de se transformer en terrain semé d’embuches grosses comme des déferlantes de près de 4 mètres. Free Spirit se fait balloter et malmener comme un fétu de paille au milieu d’un champ de bataille. A plusieurs reprises nous partons au lof sans ménagement, plexiglas de roof, bas du winch, et hélice du petit moteur hors-bord vissé sur le balcon arrière tribord dans l’eau ! Par 2 fois les déferlantes viendront submerger le cockpit et me ferrons peur pour mon annexe, laquelle installée sur les bossoirs, n’en demandait pas tant ! J’avais plus vécu de telles conditions depuis la traversée de la Nouvelle-Zélande vers la Nouvelle-Calédonie il y a un an de cela.
N’ayant pu lâcher la barre un seul instant depuis notre départ, j’aperçois Trinquette le museau collé au plexiglas de descente. Elle demande à sortir pour venir voir si je vais bien peut-être ! Ou si j’ai besoin de quelque chose, elle qui dors paisiblement à l’abri depuis plus de 6 heures. Et bien non ; dans tout ce vacarme ; elle a entendu un bruit suspect et reconnu en lui l’échouage d’un poisson volant sur le passavant tribord, donc sous le vent, au plus près du danger. Elle sort, s’approche sûrement de sa proie, puis la rapatrie dans le cockpit, dévore sa victime sous mes yeux ébahis, et retourne se lover à l’intérieur comme si de rien n’était !  Cette chatte m’étonnera toujours !
A 18h00 :  ça se calme enfin. La mer se dégonfle pour perdre peu à peu de la vigueur sous l’effet protecteur de la grande barrière de corail. Le vent s’assagit de concert.
Nous pénétrons dans le lagon vers 18h30, pour arriver au mouillage de hienghène, sous les yeux interrogateurs et perplexes de la Poule Couveuse à 20 heures.
Il nous aura fallut 11 heures pour couvrir les 80 milles qui nous séparaient de l’Atoll BB,  à 7,3 nœuds de moyenne et 10 heures 30 à la barre ! Je crois que c’est un record pour nous sur ce laps de temps !
Hienghène, où il est toujours bon de revoir les amis ; la tribu Baboo Plongée. On m’apprend qu’un BMS avait effectivement été émis par météo France pour la zone couvrant les îles Loyautés ainsi que l’est de la Grande Terre. Ce dernier fût émis à midi et annonça un renforcement soudain de l’Alizé à 40 nœuds et plus, accompagné de  fortes pluies ainsi qu’une mer grosse avec des creux possible de 4 mètres. Bon d’accord ! No comment…
Et aussi Fred, Lydia la Nounou de Trinquette, Camille et Romain des Charentes. Ainsi que l’agréable surprise d’un nouveau venu dans les rencontres qui font chaud au cœur ; Olivier Martinon et sa copine Camille qui ont fait leurs études d’ostéopathie avec Pauline et Marion Pinson à Bordeaux. La famille… Nous parlons beaucoup de voile, de régates, de mon frère jumeau et de sa réputation qui le précède même ici aux antipodes. Merci à tous pour ce bon moment partagé en votre compagnie. Bon vent les amis…

-         Dimanche 12 :
Nous continuons notre petit bonhomme de chemin vers le nord du Caillou, au sein même du lagon nord-est, en direction de Pouebo, pour une escale le temps d’une nuit à Pam, embouchure de la rivière Diahot.
Départ à midi sous le regard indifférent de la Poule. J’me ferais bien des œufs au plat pour le déjeuner !
Vent d’est sud-est 15 nœuds au début puis rapidement 25 nœuds stables pile dans l’axe de la côte créant un effet venturi bénéfique. La mer est peu agitée car nous évoluons dans le lagon. Le ciel est couvert mais tend à se dégager de concert avec le vent qui forcit dès le début de l’après-midi. Belle navigation côtière en perspective.
Voiles en ciseaux tribord amure, 2 ris dans la GV, nous voyons défiler sous nos yeux le très beau panorama offert par les hautes montagnes du Mont Panié qui culmine à 1 629 mètres d’altitude, les majestueuses cascades de Tao, Colnett et Pouebo.
Un tazard à la traîne pour le dîner.
C’est à 7 nœuds de moyenne sur 50 milles parcourus que je laisse tomber l’ancre à Pam, dans l’embouchure du Diahot, endroit parfaitement sauvage et préservé.

-         Lundi 13 :
Pas de repos pour les braves ! Enfin tout est relatif… Chaque matin un nouveau départ, chaque soir une nouvelle escale, chaque jour de nouvelles navigations et de nouveaux paysages aussi surprenants que variés. Et pour confirmer ces petits bonheurs simples ; le beau temps s’installe durablement. L’Alizé tombe et laisse place aux brises thermiques ne dépassant guère les 10-12 nœuds, voir pétole de 11 heures à 15 heures. La route serpente entre les hauts-fonds, le courant nous a handicapé au début, puis aidé en milieu d’après-midi. Le vent nous joue des tours. Sud sud-est, 5 puis 10 nœuds. Puis rien ou très peu. 5, 10 et enfin 18 nœuds de sud pour les 6 derniers milles.
Au terme d’une lente, très lente progression de 22 milles en direction de Boat Pass (sans l’aide du moteur je tiens à le préciser), nous passerons cette prochaine nuit sous les étoiles à Poingam.

-         Mardi 14 :
Objectif du jour, transiter Boat Pass. C’est un chenal naturel long de 2 milles environ qui permet de couper entre l’extrême nord du Caillou et l’île Paaba, de rejoindre Poingam positionné sur la côte est, à Poum situé sur la côte ouest. Et pimpampoum ; on shunt un détour par le nord de plus de 15 milles !
Ce passage au cœur d’un grandiose décor d’archipel est réservé au faible tirant d’eau (moins de 2 mètres à marée haute). Navigation à vue obligatoire car l’entrée côté Poingam est truffée de grosses patates de corail parfaitement visibles avec le soleil de la première moitié de journée (dans le sens est-ouest ndlr).
4 milles parcourus ce jour dont 3 au moteur, car le courant défavorable commencé déjà à descendre lorsque nous avons entamé le transit. Là ; l’utilisation du moteur me paraît judicieux voir indispensable. Quoi que, avec le courant dans le bon sens…
Et la sortie, où le fond remonte à moins de 1 mètre, débouche sur Poum ; oasis du bout du monde, aux confins d’un immense enchaînement de croupes de savanes rosées, de terres ocres ou blanches, de forêts de Niaoulis, plages sauvages et mangroves, le tout soumis à l’humeur d’un soleil jumelé à L’Alizé et aux brises thermiques rois de la contrée.
A 11h30 :  relâche à Tarugo, que l’on pourrait décrire comme étant un tout petit amas de corail mort de 100 mètres de long sur 20 de large. C’est tout…
Telle à encore été ma surprise lorsque j’ai découvert que Trinquette se délecte depuis peu de la pulpe de noix de coco, des Sao (ou crackers), et un soir ; je l’ai même vu débouler avec une belle crevette vivante dans la gueule qu’elle a dû aller pêcher sur la plage arrière lors d’une de ses parties de pêche au lamparo !

-         Mercredi 15 :
Navigation du matin et activités diverses l’après-midi ! Nous nous mettons en route pour la baie du Croissant. Vent de sud-est 10-12 nœuds.  15 milles à parcourir au louvoyage tout dessus, à tirer de petits bords de près sur une mer plus que calme au cœur d’un décor de Bay Of Islands néo-zélandais, un peu méditerranéen aussi. Le contraste est saisissant par rapport à toutes mes escales précédentes, dépaysement garanti.
Et que dire de ce magnifique havre de paix que la baie du Croissant, sa longue plage de sable toujours agrémentée de sa cocoteraie, surplombée à 250° par des pics culminants à plus de 300 mètres d’altitude jouissants d’une vue éblouissante sur le lagon et ses petits îlots éparpillés ça et là.
15h00 :  j’entreprends la grimpette vers le sommet côté lagon et me retrouve à 264 mètres de hauteur. Au nord ; Free Spirit s’enorgueillit de son mouillage sauvage rien que pour lui. A l’ouest et au sud ; nos prochaines escales ; les îlots Tiam-Bouène, Double, Pouh, Rat. Juste époustouflant. Moi qui suit plutôt accro des îlots, je dois avouer que ce mouillage là restera parmi les plus belles surprises de ce tour calédonien. A 23 milles d’ici dans le sud-est ; Koumac.

-         Jeudi 16 :
Cap sur l’îlot Tiam-Bouène (lieu de tournage de l’émission Koh-Lanta, remportée cette année là par Grégoire, un ami).
Vent d’est sud-est faible à très faible.  10 milles au louvoyage… et 4 heures de voile, condition de demoiselle !
Encore du bonheur à très haute dose ! Îlot-joyau du bout du monde ; vous allez me manquer, ça c’est certain !

-         Vendredi 17 :
Îlot Tiam-Bouène vers l’îlot Double. 7 milles de distance. Autrement dit des sauts de puces quoi ! D’ailleurs sans mauvais jeu de mot ; le vent étant passait d’est nord-est 10 nœuds à plein nord 20 nœuds ; il nous est devenu impossible de mouiller à l’îlot Double car il est encerclé de corail et le fond tombe brusquement. Vous attendez le jeu de mot ; et bien je déroute vers l’îlot Pouh, situé à 4 milles au sud.
Et je vous assure que nous ne perdons rien au change, bien au contraire.
Il n’est que 10h30 ; et Free Spirit est mouillé dans 2 mètres de fond de sable mélangé à du corail, à 20 mètres de la plage ! Car à 30 mètres ; le fond chute à pic en avalanche de patates coralliennes.
Magnifiques plongées, qualité et diversité de la faune et de la flore exceptionnelle !
Petite chasse sous-marine, petit BBQ, petit coucher de soleil… Dur dur !

-         Samedi 18 :
13h00 :  c’est avec beaucoup de nostalgie que je lève l’ancre afin de mettre le cap sur l’îlot Rat (baptisé comme ça à cause de sa forme, et c’est vrai que de loin, sa silhouette ressemble indiscutablement à ce vilain gros rongeur). « Laisse tomber Trinquette, ni pense même pas ! ».
2 bords de près à la vitesse de l’escargot. Ben oui ; avec un pet de lapin volatile du sud sud-ouest 5 nœuds, rafales à 8 ; Free Spirit ne fera pas de miracle ! Heureusement, nous avons le temps et seulement 6 milles à couvrir.

-         Dimanche 19 mai :
Retour à la civilisation !  5 milles d’écart en distance, mais des milliers d’années d’évolution ! Eau chaude, téléphone, marina, Internet, voitures climatisées, supérettes etc…
Tout à la voile, nous arrivons après deux éphémères bords de près dans 10-12 nœuds de sud sud-est devant « Le Skipper » ; ou mon ancien lieu de travail durant les 3 mois et demi de saison cyclonique.
La boucle Kanak est bouclée en 50 jours, 810 milles nautiques, 23 escales, et des souvenirs plein la tête. Le départ risque de piquer un peu…

Lundi soir ; nous partons pour l’îlot Tangadiou situé à 4 milles de Koumac, et idéal pour effectuer la toilette de Free Spirit. Le beachage y est sûr, les marées tombent bien. Mardi ; grattage, nettoyage, ponçage. Et mercredi ; 2 couches de peinture antifouling !
A 17h30, sous les ultimes regards du soleil ; une demi-heure avant la marée haute, l’étrave de Free Spirit se libère de l’îlot Tangadiou… et nous souhaite bon vent !
Tout beau et tout prêt à entamer la longue route du retour mon fidèle compagnon de voyage !

Il me reste à descendre sur Nouméa afin d’obtenir mes papiers de sortie du territoire, et hasta la vista… L’aventure continue !






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