Un tour complet de la Nouvelle-Calédonie .
Amis
lecteurs, amoureux du voyage, de la mer et des rencontres, la Tribu Free Spirit a
l’immense plaisir de vous annoncer que leur aventure reprend le cap des
embruns, de l’Alizé et des mouillages sauvages qui invitent à la plongée, au
Kitesurf, et au farniente !
Impossible de ne pas
rappeler qu’après ce gentil tour du "caillou" d’ouest en est, du sud
au nord ; les choses devraient s'accélérées.
La saison des cyclones
étant presque définitivement terminée, il nous faudra mettre le cap sur le
détroit de Torrès (entre le nord de l'Australie et la Papouasie -
Nouvelle-Guinée) via la route des Alizés de sud-est (car toujours dans
l'hémisphère sud). 1 600 milles.
La navigation qui relie le
détroit à l'île de Bali devrait être assez rapide car le vent et le courant
pousse dans le même… et en principe ; LE bon sens. Encore 1 600 milles. Il
nous faudra quitter Bali au plus tard mi-juillet.
La longue route à travers
l'Océan Indien peut-être entrecoupée d'escales à l'atoll Coco Keeling (1 080
milles), l'île Rodrigue (1 950 milles), l'île Maurice (340 milles), l'île de La Réunion (120 milles), le
sud de Madagascar (600 milles), et enfin l'Afrique du sud en décembre (1 500
milles). Ce qui nous fait un total approximatif d'environ 9 700 milles
nautiques... Disons 10 000 milles ! A parcourir en moins de 7 mois car la
saison des cyclones dans l'Océan Indien sévit à partir de la fin du mois de
novembre, date à laquelle il faut impérativement avoir touché les côtes de
l'Afrique du sud. La saison des cyclones dans l'Indien étant beaucoup plus
active que dans le Pacifique, pas question de prendre des risques inutiles.
Koumac, situé au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie
= 3 mois et demi d’escale prolongée.
Les tops à
Koumac (shock comme ils disent ici) :
-
le taf au
restaurant le Skipper ; bonne équipe (un grand merci à Sonia, Serge, Mado,
Glorina, Christian, Alex), bonne clientèle, excellent emplacement, vue
imprenable sur la baie de Koumac, le wifi (faut bien vivre avec son
temps !), ses montagnes alentours, sa mangrove, son mouillage, où attend
paisiblement Free Spirit, très bien abrité des vents dominants. Et quel
vent : l’Alizé de sud-est souffle bougrement fort et régulier ici. Mais
contrairement au sud du Caillou, il évolue au gré de la journée et de la nuit.
Il souffle très fort (en moyenne 25 nœuds de sud-est) entre 11 heures et 18
heures, puis faiblit pour venir de l’est, puis du nord (à environ 6 nœuds)
entre 22 heures et 6 heures. Ceux sont les brises thermiques jumelées à
l’Alizé.
-
Le Kitesurf dans
la mangrove et sur les îlots, un grand merci à Laurent-mon pote de ride sans
qui les sessions à Tangadiou n’auraient pas eu le même goût.
-
La proximité du
centre-village. 3 bonnes superettes bien achalandées, la Poste , la Pharmacie , l’hôpital,
librairie-papeterie, plus une zone industrielle à 4 kilomètres .
-
La marina à
moins de 150 mètres
du mouillage (où se situe le resto). Sécurité supplémentaire en cas d’alerte
cyclonique.
-
Il ne pleut pas
beaucoup à Koumac où d’après les statistiques : elle est la ville la plus
sèche de toute la Nouvelle-Calédonie.
Le mont Panier situé au vent sur la côte est bloque la
progression des nuages transportés par les vents dominants.
-
Et les rencontres
bien-sûr, où que l’on soit : elles font toujours parties de ces petits
bonheurs qu’offre la simplicité et la sincérité du voyage en bateau (un grand
merci à Marine et Guy de club de voile, ainsi qu’à Lydie et Thierry de la
marina).
Les flops (pas
shock) :
-
alors là :
pas besoin de se creuser la tête où d’aller chercher midi à quatorze
heures !
-
les moustiques
sont réputés dans le monde entier comme « surnaturels » ici !
Souvenez-vous ce squetch de Patrick Timsit : « A Koumac : les
moustiques, ils ne te piquent pas, ils t’empalent… ». Ce n’est pas un
mythe. Non non. Alors on s’organise : mise à part les produits
répulsifs : il en faut mais pas trop car on peu se poser la question à
savoir ce qui est plus pire pour la santé ! Le bateau est tout le temps
fermé. Et donc il fait très chaud (phénomène très important et trouvant
parfaitement sa place parmi les flops. Koumac étant la ville la plus chaude de
Nouvelle-Calédonie) ; 32 à 35° avec 80 à 95 pourcent d’humidité dans l’air.
Donc je dors dehors, et là : moustiquaire obligatoire.
-
Dans les
flops : on peut également déplorer la couleur de l’eau ; elle est
verte, trouble, chargée de vase en suspension (merci les mines de Nickel), et
habite des requins, des serpents, des raies, des méduses et j’en passe. Bref.
De toute façon : y’a pas de plage sur toute la commune et même au-delà.
Revenons à notre
journal de bord !
-
Lundi 1er
avril 2013 :
Il
est grand temps pour tout l’équipage de Free Spirit de changer d’air, de
paysage et d’horizons. Tout vient à point à qui sait attendre. Et lorsque c’est
bien cuit : une seule chose reste à faire ; partir... Donc
Action ! Dit-il 2 ans et demi exactement après avoir coupé le cordon
ombilical nous reliant au territoire
métropolitain !
14h00 : mouillage relevé, ancre rangée à son poste de
navigation, au moteur, nous nous dirigeons vers la passe de l’îlot Kendec,
ouverte sur le grand large telle une porte de sortie vers la liberté des grands
espaces. Il fait beau et le vent de sud est faible, trop faible. Et en plus nous
le touchons pile de face.
Il est 17 heures 30 lorsque
la brise de sud nous apporte un peu d’espoir. Les voiles prennent la relève
tandis que le moteur peu enfin se reposer.
Que la force vélique soit
avec vous ! Tout dessus (phénomène plutôt rare), au près tribord amure,
barre amarrée, nous nous déhalons tranquillement dans 8 à 10 nœuds de vent. Là
d’accord ; le près dans ces conditions : OK !
Ce petit bonheur là va se
pérenniser toute la nuit. Et même mieux encore. Puisque vers 20 heures ;
le vent va tourner à l’est sud-est, puis est, et même est nord-est ! De la
balle ! Et c’est ainsi que sans forcer : vers minuit, nous faisons
une route directe idéale au 110-120°. Objectif île des Pins droit devant !
-
Mardi 2
avril :
5h30 : le vent forcit à 15-18 nœuds mais sans
changer de direction. Merci Eole. Le 1er ris et pris sans réduire le
génois. Grâce à la nouvelle coupe de ce dernier que m’a si aimablement donné
Anne et Ghislain du voilier Sun Dance rencontrés à Opua en
Nouvelle-Zélande ; je peux le garder entier jusqu’à 18-20 nœuds suivant
l’état de la mer. Quelques lames viennent se déversées sporadiquement sur le
pont avant. Rien de bien méchant en somme. Et puis ce petit sursaut audacieux
de vent frais ne va pas durer longtemps…
7h00 : vent faiblissant ; je relance toute la
grand-voile.
Et ce qui devait arriver
arriva… à 11h30 ; Eole tire définitivement sa révérence. Tant pis pour
nous.
Maître « moteur Nanni
Diesel de 21 cv » lève le doigt et se propose gentiment d’assurer notre
propulsion en échange de quelques litres d’or noir. Ainsi soit-il.
14h30 : la mer se ride, la brise siffle légèrement
dans les haubans, les voiles se hissent et le moteur se tue. Nous repartons, au
près, à la gîte bâbord amure, tiré par un vent d’est sud-est suffisamment vaillant
pour nous déhaler, cap plein sud.
Le ciel est laiteux et ne
laisse guère d’espace à son habituelle et préférable couleur bleutée. La
visibilité est mauvaise ; à moins de 20 milles de la barrière de corail,
nous n’apercevons aucun signe de terre quelconque. Sur la côte est ; il
m’est arrivé de visualiser les montagnes que composent le Caillou à plus de 60
milles !
Nous avons parcouru 70
milles en route fond, pour 85 milles en route surface ces première 24 heures.
19h00 : heureux qu’il est mon Free Spirit de pouvoir
enfin se dégourdir la carène à la faveur d’une bascule de vent au nord-est à
15-18 nœuds. Nous faisons route directe au 110°, et en bonus ; je peux
choquer légèrement les voiles afin de nous caler à l’allure de bon plein, bien
plus rapide.
Principe de
précaution ; je prends un ris dans la GV car Météo France nous annonce de fortes pluies
et même des orages accompagnées de vilaines rafales.
21h45 : comme prévu ; la pluie tombe dru. La nuit
nous enveloppe complètement dans sa couleur préférée noir de jais. En revanche,
Eole nous abandonne lâchement. S’en suit l’affalage des voiles, ainsi qu’un
gros dodo. Enfin pas tout à fait, la veille est obligatoire sous forme d’une
inspection à 360° toute les heures. Pas de moteur la nuit ; c’est la règle
et le secret pour une nuit calme. De plus si on ne voit pas à cause de
l’obscurité, au moins on entend tout ! Ce sont ce genre de petites
habitudes là qui forgent l’esprit du navigateur solitaire ou du bon sens marin.
4 milles à rebrousse-chemin
seront la conséquence de 8 heures à la dérive. La cause : le courant de
sud-est qui porte donc au nord-ouest. Il est plutôt faible sur la côte ouest
mais peu atteindre 2 nœuds sur la côte est. Souvenez-vous notre première
tentative de traversée entre Hienghène et Ouvéa fin mai 2012.
-
Mercredi 3
avril :
Après
une nuit bercée dans les bras de Morphée, Eole daigne nous donner un petit coup
de pouce. Et comme toute la
Calédonie (sauf votre serviteur !) ; il se lève
tôt !
5h30 : pas le temps de prendre un p’tit dèj ou de se
faire un brin de toilette. Le vent de sud sud-ouest 15 à 18 nœuds (eh oui,
incroyable mais vrai. Ca arrive une fois tous les 36 du mois !) n’attend
pas. Le ciel étant encore très menaçant : prudence. Je hisse la GV à un ris plus la trinquette.
La mer est peu agitée mariée à une longue houle de sud d’environ 1,5 mètre .
Alors ce qui est curieux, et
dans un sens ou dans un autre, plutôt sympathique et atypique (vous me
suivez !) ; c’est que nous gardons le même cap qu’hier, le bon cap de
surcroît, sauf que nous avons changé d’amure. Un coup bâbord amure, un coup
tribord. Un coup ça gîte à droite, un coup ça gîte à gauche. Dans une zone de
navigation où l’Alizé de sud-est sévit plus de 330 jours par an. C’est du pain
bénit ! J’utilise le verbe sévir car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Tirer des bords de près dans 20 à 25 nœuds de vent avec des creux de 2 à 3 mètres et un courant
constant de 1 nœud et plus ; avec un dériveur intégral préparé pour le
voyage ; cela relève de la prouesse chimérique. On nage en pleine utopie !
En résumé : c’est bien simple : c’est pas f’sable !
Bref : tout ça pour
insister sur le fait que finalement ; on a de la chance ! Et je me
délecte assez de cette idée là.
10h00 : le vent faiblit et vire à l’est nord-est. Pas
de panique ; je relâche le ris et repasse bâbord amure.
12h30 : beau temps belle mer ! Tout est de plus
en plus calme. Notre carburant naturel préféré tourne une nouvelle fois au sud
sud-ouest. Il faut le vivre pour le croire ! On vire enfin pas tout à fait ;
nous changeons encore d’amure tout en gardant notre cap. La brise, bien que
très légère, suffit à nous déhaler petitement.
Il est peu glorieux
d’annoncer une telle moyenne : 120 milles en route fond, pour 140 milles
réellement parcourus en route surface ces premières 48 heures.
14h30 : le vent s’accélère pour atteindre 20-25 nœuds
en rafales. Je prends un ris, enroule le génois et hisse la trinquette. Cap au
120-130°, allure de bon plein. La mer s’agite. Barre amarrée ; nous tenons
aisément les 5 nœuds de moyenne. Mais surtout, quelle plaisir de sentir sa
monture filer droit au but sans fatiguer dans la mer déchaînée, sur le bon cap
et à vive allure (enfin vive allure ; tout est relatif !).
En évoquant le cas de
Trinquette pour qui, elle aussi, la mer devait, j’ose le croire, lui avoir
manqué ; je constate que si il y avait 25 heures dans une journée, elle
pourrait allègrement totaliser 24 heures de dodo.
-
Jeudi 4
avril :
Après
une nuit de veille toute les heures (vous imaginez comme mon sommeil a pu être
lège), je constate le changement de conditions de navigation.
8h00 : l’Alizé de sud-est est là et bien là,
soufflant à 15-18 nœuds pour le moment.
Inévitablement ; et
depuis hier soir déjà, nous devons louvoyer, tirer des bords de près et donc
rallonger notre route. Cap au 80° sur l’amure tribord, et au 200° sur l’amure
opposée. La bonne nouvelle : c’est que nous nous situons à proximité de la
passe de Dumbéa, distante d’une quinzaine de milles.
Le ciel est très nuageux, la
mer agitée, longue houle de sud 1,5 à 2 mètres .
La météo nous annonce un
renforcement de l’Alizé pour le sud de la Nouvelle-Calédonie
dans les heures prochaines.
Dans ces conditions ;
il me faut changer mes plans. Il reste 90 milles à parcourir pour atteindre
l’île des Pins. Ce qui veut dire au moins 160 milles en route surface, mais
surtout beaucoup de peine si le vent souffle à 25 nœuds et plus en rafales.
Je décide de pénétrer dans
le lagon via la passe de Dumbéa, et d’y louvoyer afin d’éviter la mer qui
freine irrémédiablement la progression de Free Spirit. Et nous verrons où cela
nous mènera…
Conséquence d’une telle
décision : fini la sieste ! il me faut veiller les hauts-fonds, îlots
de sable, bouées, balises, platiers et embarcations en tous genre. Naviguer au
GPS, sondeur, sans oublier le bon sens marin, à savoir la vue.
10h00 : la météo ne se trompait pas ;
l’anémomètre enregistre des claques à 25 nœuds. Le méchant clapot s’invite dans
notre paysage. Je ne me sens pas de continuer dans ces conditions.
Escale prévue à l’îlot
Maître, juste en face de Nouméa, que nous atteignons à 14h00 après avoir
parcourus 195 milles en route surface (165 milles en route fond) en 3 jours
exactement.
7 heures de moteur et donc 7
heures de barre pour Loulou !
Demain après-midi ;
Kitesurf sur le platier de l’îlot Maître avec un petit détour par la pointe
Magnin afin de dire bonjour aux potes (ah qu’il est bon de retrouver de l’eau
claire) puis Free Spirit sera mouillé à la Baie des Citrons en début de soirée.
A noté que nous sommes
passés de 34° à 26° et même 24,2° la nuit en à peine une semaine !
-
Mardi 9
avril :
Toujours
mouillé au sein de la très mouvementée baie des Citrons depuis vendredi soir
(non pas par les conditions au mouillage mais plutôt par la musique et autres
nuisances sonores occasionnées par les nombreux bars de nuits situés dans la
place).
L’ancre vient se loger
tranquillement dans son davier. Il est 10h30, la manœuvre se passe sans l’aide
du moteur, comme à chaque fois que les conditions le permettent.
L’Alizé souffle du sud-est
20-25 nœuds, accompagné de creux de 1 à 1,5 mètre dans le lagon.
Beau temps chaud et sec. Il nous faut remonter au près les 25 milles qui nous
séparent du mouillage de l’île Ouen, c’est notre objectif du jour. Transiter le
passage de Woodin sera celui de demain.
Nous tirons un premier long
bord de près sous GV à 2 ris + trinquette qui nous transporte à 4 milles sous
le vent de l’îlot Amédée surmonté de son majestueux phare.
Après plusieurs bords, je ne
saurais dire le nombre exact ; je laisse tomber la pioche dans 4 mètres de fond.
Il fait nuit, et pour
cause ; il est 20h30. Ca fait du bien quand tout ça s’arrête ! Nous
avons parcourus 45 milles en 10 heures pile…
2 fois la distance et 3 fois la peine ! No comment…
Ce soir ; la soirée
crêpes m’envahit d’un certain apaisement, arrosées d’une de mes dernières
Hinano de Polynésie. Ca baigne !
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Mercredi
10 :
Baie
de Prony ou Port Boisé ; je n’ai pas encore choisi. Dans les 2 cas ;
nous devons emprunter le fameux passage Woodin qui sépare la Grande Terre de l’île Ouen.
Le ciel est généralement
couvert, et l’Alizé se repose de ses folies de ces 5 derniers jours. Vent de
sud sud-est 15 nœuds.
Nous quittons notre sauvage
mouillage à 10 heures du matin, toujours à l’ancienne sans gaz à effet de serre
et autres nuisibles tracasseries sonores et odorantes. Il nous faut encore
louvoyer mais cette fois ; nous sommes aidés par le courant de marée descendante
et donc favorable de 1 à 2 nœuds. Free Spirit arrive à effectuer du 45° au vent
réel bord sur bord. Ben ça ; faut l’faire…
Finalement : je décide
de passer notre chemin et de pousser jusqu’à Port boisé, que nous touchons à
14h00. Mouillage sur corps-mort. 22 milles parcourus en 4 heures.
Nous sommes idéalement placés
pour un départ canon vers l’île des Pins lorsque la fenêtre météo s’ouvrira
laissant s’échapper Free Spirit vers sa prochaine destination.
Ancien
repère de bagnard au sein d’une toute ancienne mine de cobalt, Port Boisé est
une escale calme et tranquille. La baie est entourée d’une nature sauvage et
luxuriante, avec une petite rivière en amont. Les eaux sur le récif y sont
claires et surtout très poissonneuses.
-
Samedi 13
:
9h00 ; la fenêtre météo s’ouvre ; les oiseaux
du nid « Free Spirit » prennent leur envol !
Vent de nord-est 20-25
nœuds, avec quelques rafales à 30 nœuds sous grains. Houle de sud de 1,5 mètre . Mer agitée.
Cap au 110°, allure de près
bon plein sous GV 2 ris + trinquette.
4 bords de près afin de
gagner le mouillage de la Baie
de Kuto sur les 5 derniers milles et le tour sera joué !
Nous accostons à 16h00 au
cœur d’un des plus beau cadre que peu offrir la Calédonie après avoir
parcouru 45 milles dont 35 sur le même bord. On s’en sort très bien quand on
pense que cette route est exactement dans l’axe de l’Alizé.
-
Mercredi
17 :
Bon
anniversaire Cousin ! Moi je pars pour l’atoll de Nokanhui, îlot
Toméré !
9h30 : c’est parti, j’ai un peu le trac dis donc… à
cause de toutes ces histoires que l’on peut entendre autour de cet atoll
soi-disant inaccessible de part un peu sa situation géographique, mais surtout
je dirais ethnique et aussi tribale.
Si tu fais « la coutume »
auprès des bonnes personnes, que tu as le bon feeling et la chance de ton
côté ; ça passe… la preuve…
18 milles parcourus pour
rejoindre l’îlot Toméré, tout dessus au louvoyage. Vent faible 8-12 nœuds, mer
peu agitée, houle de sud 2
mètres , ciel très nuageux.
Les dauphins nous
accompagnent par moment, et une bonite se laisse piégée à notre ligne de
traîne. Que de bons présages dirons-nous.
Appuyé du moteur et fesses
très serrées ; nous nous faufilons prudemment par-dessus le bout de récif
effondré, dérive relevée, tout en slalomant au milieu d’un chant de mines
coralliennes.
14h30 : par 1,8 mètre de profondeur ; je contemple mon
ancre et sa chaîne serpentant sur fond de sable blanc, faisant jaillir un
magnifique vert turquoise éblouissant.
J’ai réussi à passer 5 jours
sur îlot Toméré, un petit bout de paradis qui me rappelle beaucoup la Polynésie. Après
avoir fait la coutume (un paquet de tabac à rouler, une boîte d’allumettes, des
feuilles à rouler, un paréo, une bouteille de vin, et un billet de 1 000
balles). Faut ce qu’il faut ; si tu fais pas ça ; tu te fais
méchamment virer, voir menacer. Et en principe ; il n’autorise pas de
passer la nuit. J’ai eu de la chance.
Coté péripéties ; j’ai
essuyé un vilain grain au mouillage dans 1,8 mètre de fond
heureusement (dérive relevée, ainsi que le centre de gravité ! Lorsque la
première grosse bouffe est venue bousculer Free Spirit : nous n’étions pas
encore face au vent, et j’étais sur le pont. Surpris par le coup de gîte
si rapide et si impressionnant ; je me suis jeté sur le rouf, tête en
haut, affalé et accroché à la main courante. J’ai bien cru que j’allais passer
par dessus bord. Les rafales ont dépassé les 50 nœuds à l’aise. J’ai vu 49 sur
mon anémomètre, et vous imaginez bien que je n’ai pas passé les 60 minutes que
cela à durer à mater le petit écran de mon répétiteur. La pluie tombait d’une
rare violence pour nous marteler sans retenue aucune, les éclairs zébraient le
ciel tel un forgeron s’acharnant sur son épée, le ciel grondait son
insatisfaction. Un véritable enfer !
Et rebelotte le lendemain
matin, mais moins fort ! Bilan ; nous n’avons pas dérapé d’un pied,
malgré un évitement à 300°. Par contre dans la bataille l’annexe s’est
retournée sans que je m’en aperçoive tout de suite. Laissant partir une paire
de tongues, palmes masque et tuba. J’ai retrouvé le masque/tuba le lendemain à
moins de 10 mètres
de la jupe.
Côté anecdote
insolite : j’ai eu un p…..n de tricot rayé dans l’annexe, profitant de la
chaleur procurée par mes palmes (mes anciennes palmes) placées en plein soleil.
Je vous dis pas la frayeur. Si y’avait eu un cocotier à proximité ;
j’aurai pu me cogner à ses noix !
Une deuxième fois ;
j’en retrouve un autre entre la housse de protection de l’annexe et l’annexe.
J’le vois débouler paisiblement du trou de la dame de nage. J’étais sur la
jupe, j’allais monter dans l’annexe, et comme d’hab ; j’ai fait un bon à
me retrouver au 2ème étage de barres de flèches ! Pas te
pot ; je venais juste de larguer l’amarre. J’ai dû prendre mon courage à 2
mains, plonger, et ramener mon annexe à la nage au bateau. Puis virer mon
ennemi de son logement. Pas facile car il n’y tenait pas tant que ça.
Et enfin une troisième fois,
à l’heure du coucher du soleil. Je vois Trinquette curieuse, et attirée par
quelque chose sur la plage arrière. Je l’entends pousser des cris tel le fauve
qui défend au péril de sa vie son territoire chéri si durement acquis. Je
comprends tout de suite et cette fois-ci ; c’est moi qui me précipite sur
zone afin de venir au secours de mon équipière aussi féline que chétive. Elle a
vraiment peur de rien la guerrière aux oreilles pointues ! Le tricot était
déjà sur la marche. Il avait profité de l’échelle de bain en position
sortie ! Si tu fais pas gaffe ; ils ont vite fait de venir te
caresser les tétons dans ton propre plumard ces vilaines bêtes.
A oui : un dernier
point concernant l’accès à l’atoll de Nokanhui. La passe, qui n’en est pas une,
est en fait un effondrement de la barrière récifale à un endroit précis.
L’aller s’est bien passée. La sortie a été plus pittoresque. La cause ;
une montée de houle assez conséquente. Pas de problème au niveau de la
profondeur ; j’ai eu 1,8
mètre au plus haut. Il faut naviguer à vue bien évidemment
afin d’éviter quelques très hauts-fonds. Mais le souci : ce sont les
vagues qui montent et déferlent n’importe où n’importe quand et n’importe
comment. Mais heureusement par série. Je suis passé mais avec la peur au ventre
tout de même. On peut pas dire que j’ai été fier tout le temps quoi !
Mis à part ces petits
tracas ; l’endroit est d’une telle beauté que ça fait vite oublier le
reste.
Vous vouliez une description
du spot où contemplation et plénitude règnent en maître des lieux : et
bien demandez donc à Dame Nature ce qu’elle a pu imaginer de mieux en matière
de façonnage ambiance îlot de sable fin et sa langue venant si délicatement
lécher une eau turquoise d’un coté car faible profondeur, et à pic de l’autre
dans un bleu Moana (qui veut dire couleur de l’océan juste derrière la barrière
de corail en Polynésien) à plus de 20 mètres de fond. L’îlot Toméré se dore au soleil des Tropiques sous un ciel azur parsemé de quelques cumulus blancs et duveteux. Unique en territoire Kanak. Y’a pas à redire ; il est un des plus beaux spots de la Nouvelle-Calédonie. Dommage que toutes activités nautiques y soient strictement « tabou/interdites ».
Accessoirement ; la Tribu Free Spirit fête un anniversaire : un an jour pour jour que nous sommes en Kanaky !
- Lundi 22 :
A regret ; nous devons dire au revoir à l’îlot Toméré et sa langue de sable telle une flèche pointée vers le paradis, et faisons cap vers la sortie de l’Atoll Nokanhui, délimité par son arc de barrière corallienne.
8h00 : ancre relevée, nous quittons notre mouillage sous génois seul plein vent arrière. Il vient du sud environ 10 nœuds. Le beau temps semble enfin s’installer.
Petite inquiétude : la dite passe est plus ou moins barrée par quelques déferlantes. Appuyé du moteur ; nous allons devoir forcer le barrage entre 2 séries de vagues. Pas de panique, j’accélère promptement au moment critique, 1,8 mètre de profondeur au plus haut, pas d’ondulation à l’horizon ; ça passe. Ouf, c’est fait…
15 milles à parcourir afin de rejoindre notre prochaine escale ; à savoir la baie d’Oro.
Nous voguons d’endroits magiques en spot idylliques. Bien sûr ; cette baie là n’est pas aussi sauvage que notre précédent mouillage, et l’hôtel Le Méridien ne s’y est pas trompé, mais tout de même. Ca vaut largement un arrêt/minute...
- Mardi 23 :
Nous entamons la remontée vers le nord, avec comme premier objectif Maré ; l’île située la plus au sud de l’archipel des Loyautés. Puis nous enchaînerons avec Lifou, Ouvéa et Beautemps-Beaupré. Avant un retour sur la Grande Terre.
Je décide d’effectuer la traversée de nuit afin d’arriver au Cap Roussin (situé au nord-est de l’île) avec le soleil haut dans le ciel.
18h00 : Tchao merveilleuse île des Pins. Cette fois ; je ne te reverrai pas de sitôt mais rassures-toi, ou plutôt rassures-moi ; ce n’est qu’un au revoir !
Vent d’est sud-est 15 nœuds, mer agitée, houle résiduelle d’est 2 à 2,5 mètres due à une dépression située au sud des îles Fidji. Ciel peu nuageux.
A vitesse correcte ; nous filons droit sur le cap sud-est de Maré, distant de 65 milles, GV à un ris + génois, allure de petit largue, cap au 20°.
Je sais que l’image peut paraître un peu cliché, mais les dauphins nous montrant la route à suivre, surfant la petite vague d’étrave créée par la progression sans faille de Free Spirit, le tout généreusement éclairée par l’astre lunaire ; et bien ça n’a pas de prix !
- Mercredi 24 :
5 heures du matin ; nous avons rejoint le sud-est de Maré en 11 heures seulement. Cap plein nord au grand largue ; nous longeant la côte est, dite au vent, qui nous fait rencontrer de méchantes mers et houles croisées en tous sens. En clair ; on se fait secouer comme un prunier !
En récompense d’un début de matinée plutôt mouvementé ; un tazard se fait surprendre à notre ligne de pêche. J’utilise toujours les mêmes leurres à savoir les poulpes en plastiques de couleurs rose/blanc/orange, par contre, ils sont agrémentés de doubles hameçons. Et il semblerait que le mariage fonctionne à merveille.
Nous arrivons au mouillage sauvage du cap Roussin à 11 heures, après avoir parcouru 105 milles en 17 heures. A une moyenne très honorable de 6,2 nœuds.
Loulou a barré 16 heures et 1 heure pour le cap’tain.
Très belle plongée. Le mouillage se situe dans un petit lagon fermé par une barrière de corail, face une minuscule petite plage, dans la continuité de roches/corail, surélevé de quelques cocotiers.
- Jeudi 25 :
Départ à 6h30 du matin. Objectif Lifou. Vent de sud-est 20-25 nœuds, mer très agitée, houle courte d’est 2 mètres croisées. Ciel très couvert.
L’unique passe dans la barrière corallienne débordée ; nous faisons route au 300° plein vent arrière. Je teste une nouvelle façon de descendre au portant. Ma dérive est entièrement relevée, le génois est tangonné sur bâbord et la trinquette est hissée sur tribord. Nous sommes légèrement bâbord amure. Il semblerait que le bateau se comporte pas plus mal, le roulis paraît plus lent et moins violent. Et Loulou s’en tire très bien sans forçage et sans départ au lof. A voir sur une longue traversée.
13h00 ; le ciel se charge et nous apporte un peu de pluie. Sur la terre, la pluie paraît beaucoup plus abondante. Et la visibilité devient médiocre. 3 ou 4 milles avant Wé, nous tombons sous la dévente de l’île.
Nous pénétrons dans la marina de Wé, sur la côte est de l’île de Lifou à 14h30. L’accostage étant exécuté sans accro (la marina est parfaitement abritée du vent dominant), je constate au premier abord que l’eau est étonnement claire dans le port !
LIFOU ; bienvenu en territoire
Drehu !
Avec
ses 1 150 km2 (grand comme la Martinique , mais assurément beaucoup moins
peuplée, 8 627 habitants ! ), l’île peut se vanter d’allonger parmi
les plus belles plages de Kanaky. Cocoteraies, vanilleraies, forêts profondes,
arbres fruitiers foisonnants, falaises vertigineuses surplombant les flots
turquoises, grottes immenses, anses secrètes, sites de plongée de toute beauté,
la nature s’est une fois de plus surpassée en ces latitudes bénies.
Nous sommes restés bloqués 6 jours à la Marina pour cause d’alerte
météorologique. Et au sein de la grande baie de Chateaubriand, où se situe la
capitale Wé ; le mouillage sauvage est carrément proscrit. Sauf par temps
très calme, en face du club de voile (bon spot de planche-à-voile et de
kitesurf). Lors de notre séjour ; les plus grosses vagues atteignaient 4 mètres sur la barrière
récifale, et les passes étaient infranchissables. La pluie est tombée en
abondance pendant 4 jours et le vent de sud-est s’est établi entre 20 et 45
nœuds, même au-delà de ce que les services de météo-France annonçait comme la
fin de l’alerte-baston !
Je fais la rencontre de quelques gens de bateaux très
sympathiques. Aurélie et son fils Moana, et Christina et Pascal auront
indiscutablement contribué à améliorer mon escale prolongée à Wé. Nous avons
encore beaucoup de connaissances en commun. Pascal a par exemple était moniteur
de voile à l’école de M. Albeau (le Papa d’Antoine) à La Couarde sur l’île de Ré.
Et aujourd’hui, à l’autre bout du monde, nous kitons ensemble avec son fils de
18 ans. Et Christina a connu la
Polynésie puisqu’elle est venue en voilier d’Espagne !
Et là encore nous passons ensemble un petit bonjour à Aurélia et Florent,
Titawa et Guillaume Chastagnol, Pierre Cosso…
Aurélie et Moana m’explique
longuement la vie traditionnelle en tribu, et ils en connaissent un rayon. La
case fait intégralement partie de cette culture riche et diversifiée. Je
constate qu’un emplacement est spécialement prévu au cœur et à même le sol de
la case afin d’y accueillir une généreuse flambée. Ca peu faire peur lorsque
l’on sait que 100 % de la structure est en bois, en paille pour la toiture, et
en terre et feuillages de cocotiers pour les murs. Le feu est nécessaire et
indispensable tout au long de l’année car il assure l’étanchéité de la toiture,
assainie l’air ambiant et régule le taux l’humidité toujours très
élevé dans cette partie du monde ! Il n’y a pas de cheminée. Au mois
d’août, le thermomètre peu descendre en dessous de 12 degrés le matin. La
nécessité de pouvoir faire un feu devient ainsi vitale !
-
Mercredi 1er
mai :
6h30 : amarres larguées, musoirs débordés, bateau
rangé et paré à prendre la mer. Et quelle mer ! Malgré le retour du beau temps ; il
semble évident que la météo nous ai encore leurré…
30 minutes de moteur le
temps de nous sortir de la dévente, et voici que l’anémomètre commence son
petit manège ascensionnel irréversible . Et vas-y qu’ça prend des
tours !!! 10, 15, 20, 25 puis rapidement dans la foulée 30 nœuds d’Alizé
de sud-est bien établis ! La mer est encore forte ; 3 à 3,5 mètres de creux
peut-être plus par série. Le peu de nuages présents dans le ciel défilent à la
vitesse d’un cheval au galop.
Nous contournons l’île par
le nord-est, et donc par la côte au vent, allure de grand largue, sous génois
seul, afin de rallier le superbe et surprenant mouillage de Jokin. Le petit
déjeuner est cruellement mouvementé (ça faisait longtemps soit dit en
passant !) et en plus interrompu par une nouvelle prise à la ligne de
traîne que je viens juste de plonger avant de faire chauffer la
bouilloire ! C’est un thon jaune cette fois, plutôt rare comme pêche. Pas facile à
remonter l’animal… Shit ; my cup of tea is cold !
11h00 : et 23 milles accumulés au compteur. Je laisse
tomber la pioche par 12
mètres de fond. L’eau est cristalline. Et le tableau
vaut le détour artistique.
Free Spirit est mouillé aux
pieds de vertigineuses falaises de 40 mètres de hauteur, recouvertes d’une
végétation luxuriante, et surmontée par de grands pins colonnaires au cœur même
de la Tribu de
Hnathalo, le tout surplombant une diversité de fonds marins créant un tableau
scintillant et mouvant de bleus, verts turquoises, jaunes et j’en passe. On me
dit que d’août à septembre : les baleines à bosses viennent y mettre bas.
La plongée en PMT est
extraordinaire, et les requins ne diront pas le contraire si vous voyez ce que je
laisse supposer !
A
19 heures le même jour ; d’ailleurs il fait presque nuit, nous reprenons
la mer afin de rallier l’atoll d’Ouvéa. Lorsque l’étape dépasse les 40 ou 50
milles de distance ; je préfère opter pour une navigation de nuit,
histoire d’être certain d’effectuer un atterrissage de jour en bon et du forme.
L’Alizé est toujours au
sud-est, mais souffle à 15-20 nœuds. Rien à voir avec ce matin.
Et de toute façon ;
nous ne sommes pas pressés.
Free Spirit doit parcourir
55 milles en tout.
Au petit jour ; nous
pénétrons dans le lagon par sa passe sud. Il reste 9 milles à parcourir
jusqu’au mouillage de Fayaoué, situé juste devant le club de voile où
travaillent mes amis Bertrand et Pilo, que je vais revoir avec la plus grande
joie. Et pas les mains vides afin d’agrémenter nos retrouvailles. Peu avant 7
heures et juste après avoir franchi la passe ; je plonge par habitude la
ligne de traîne. A peine eu le temps de régler le voiles au mieux de notre
nouvelle allure de près bon plein que le fil de nylon se tend comme une ficelle
de string ! Banco : une très belle carangue bien dodue, parfaite pour
un passage gratuit à la braise !
8 heures du matin, le jeudi
2 mai : l’ancre touche enfin le
fond par 2,5 mètres
au sondeur. Il fait un temps superbe, à l’image du spot !
55 milles parcourus en 11
heures. Nous aurions pu arriver une heure plus tôt si, à mi chemin ; un
grain pluvieux, lent et imposant ne nous avez pas englué et privé de vent
pendant trop longtemps. Il faut accepter et s’adapter. Et puis vous savez ce
qu’on dit : « avec des SI… » !
-
Vendredi 3
mai :
Nous
sommes au cœur des célébrations de l’anniversaire des évènements d’Ouvéa. Il y
a 25 ans, ce drame avait plongé l’île la plus proche du paradis comme on dit
ici en véritable bain de sang avec 26 êtres humains arrachés à la vie lors de
la prise otages de la gendarmerie par un groupe d’indépendantistes extrémistes
Kanaks ainsi que les affrontements qui en découleront. Aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie
et la métropole pansent leurs plaies ensembles, côte à côte, dans le respect et
l’humilité où seul le temps et l’intelligence du peuple jouent leur rôle de
cicatrisant…
Nous appareillons pour l’îlot Deguala, situé au cap 315°
et centré dans les Pléiades Nord, à 14 milles du club de voile. Le très beau
temps persiste et signe, le vent de sud-est s’envole péniblement à 6-8 nœuds.
Nous nous laissons glisser plein vent arrière pendant près de 5 heures sur une
mer on ne peut plus calme, toutes voiles dehors en mode ciseaux.
Ce nouveau site féerique me
rappelle beaucoup les 2 petits îlots de P’tite Terre appartenant à la Guadeloupe.
J’attache Free Spirit avec 2
amarres directement frappées sur l’îlot, et une ancre au milieu du chenal, au
cœur d’un aquarium naturel d’à peine 2,5 mètres de profondeur, afin de le garder
écarté de la bordure rocailleuse. A ne faire qu’en cas d’absolue confiance en
la météo car nous sommes complètement entourés de terre… non pas tout à
fait ! A l’ouest ; un petit passage laisse chaque soir la libre
expression au soleil de se coucher sur l’horizon lointain dans une explosion de
couleurs chaudes et sensuelles.
Ici ; il n’y a pas
d’iguanes, mais des roussettes et des serpents !
En plongée, même sans
chasser ; la ronde des requins de récifs à pointe blanche ou pointe noire
est omniprésente. Une fois le poisson tiré ; plus question de retourner
dans l’eau, le sang les rend beaucoup trop agressifs et imprévisibles.
-
Lundi
6 :
3
jours à contempler, rêver, admirer, et penser aux gens que j’aime et me dire
que je donnerais cher pour qu’ils soient là avec moi, Famille, Amis… Ils me
manquent tellement. Et l’isolement en milieu paradisiaque n’arrange rien, bien
au contraire. Je n’ai pas d’arme pour me défendre contre ce sentiment de vide
qui me prend de plus en plus souvent. Je continue à profiter pleinement du
temps et de l’emplacement présents tout
en songeant aux miens et aux futures retrouvailles…
Hauts
les cœurs, hissez haut !
Le
programme continue. L’escale suivante nous conduit à l’Atoll de
Beautemps-Beaupré, distant de 16 milles de Deguala (aussi baptisé Jehuten en
langue Kanak iaaï).
Le vent d’est reste encore
très faible, et un courant marin de 1 à 1,5 nœud ralenti considérablement notre
lente progression vers l’ouest nord-ouest d’Ouvéa.
Nous avons le temps et
profitons pleinement d’une mer calme, d’un bleu profond, rendu intensément
brillant par le Dieu Soleil qui n’en fini plus de nous assommer. C’est donc
cela la navigation de plaisance ! Comme quoi, on en découvre tous les
jours !
Comme
par jalousie, le relief de la Grande Terre
se dessine au sud-ouest, pourtant distante d’environ 60 milles de notre
position.
Nous approchons du but vers
16 heures. Il était temps car ce serait pure inconscience de vouloir pénétrer
dans le mouillage sans avoir une parfaite visibilité de la barrière récifale et
de ses patates de corail affleurantes. La passe est franche, profonde d’une
petite dizaine de mètres, large d’environ 20 mètres . Le corail
s’élève tel des murs abrupts de chaque côté, sur quatre-vingt mètres de
longueur, puis laisse place à une large zone de mouillage dans plus ou moins 3 mètres de fond de sable…
Magique…
Ancré par 2 mètres de fond de sable,
à moins de 20 mètres
d’une magnifique plage de sable fin bordée de cocotiers ; les superlatifs
manquent objectivement pour décrire un tel spectacle. Beautemps-Beaupré :
c’est un peu le Saint-Graal d’une quête de paradis perdu, toujours plus beau,
toujours plus sauvage. Depuis des milliers d’années : le temps semble ne
pas avoir d’influence sur ce petit bout de paradis terrestre et maritime,
exempt de toute pollution, loin du mal, loin des hommes. Ici : tout n’est
que plaisir des yeux.
La plongée y est
extraordinaire et resplendissante de vie et de couleurs. L’eau est translucide
et la visibilité incroyable. Attention aux requins que l’on voit s’approcher de
loin.
La terre abrite quant à elle
le règne de gigantesques roussettes, serpents et araignées, colonies d’oiseaux
en tous genres…
-
Mercredi
8 :
Free
Spirit tourne sa poupe à la beauté des Loyautés, et pointe de nouveau sa proue
vers la Grande-Terre. Objectif
Hienghène. 80 milles à parcourir vers
l’ouest, dans le 255° exactement. Une traversée que va nous faire très vite
replonger dans les réalités de la vie trépidante, tumultueuse et imprévisible à
bord d’un voilier ! Du paradis vers l’enfer…
7h00 : le bulletin de météo France pris par mon
petit poste de radio sur les grandes ondes nous indique un Alizé établi au
sud-est 15 à 20 nœuds, avec des rafales pouvant atteindre 25 nœuds sous averses
sporadiques, mer agitée sur houle moyenne de 2 mètres !
Je suis sceptique quant à la
véracité de leurs prévisions. Ce ne serait pas la première fois qu’il se
trompe. De plus ; il me suffit d’observer les conditions à l’extérieur de
l’atoll. Le blanc prédomine sur la mer, et le gris dans le ciel. Il paraît que
ça devrait se gâter demain, donc à 9 heures, je décide de lever l’ancre et de
mettre le cap sur Hienghène comme prévu.
Grand-voile hissée à 2 ris,
j’ai l’intime certitude qu’il me faudra tôt ou tard prendre le 3ème
ris, donc pourquoi faire plus tard ce qu’on peut faire maintenant.
Moteur éteint, un petit bout
de génois déroulé, bâbord amure, allure de largue, nous filons déjà à plus de 9
nœuds au surf sur des vagues culminantes allègrement à 2,5 mètres . L’anémomètre
ne dépasse pas les 30 nœuds pour le moment. Mais toute cette mascarade ne va
pas durer.
A midi ; le ciel
s’assombrit et se charge de désespoir et de violence. Et à 13 heures ; l’apocalypse
était now ! Pluie drue, vent établi à 40 nœuds, avec des pointes à 45.
Mais le pire vient de l’état de la mer ; déchaînée et irrationnelle. Le
vent ayant forcit soudainement, la mer a suivi le mouvement du mimétisme. A
notre route de se transformer en terrain semé d’embuches grosses comme des
déferlantes de près de 4
mètres . Free Spirit se fait balloter et malmener comme
un fétu de paille au milieu d’un champ de bataille. A plusieurs reprises nous
partons au lof sans ménagement, plexiglas de roof, bas du winch, et hélice du petit
moteur hors-bord vissé sur le balcon arrière tribord dans l’eau ! Par 2
fois les déferlantes viendront submerger le cockpit et me ferrons peur pour mon
annexe, laquelle installée sur les bossoirs, n’en demandait pas tant !
J’avais plus vécu de telles conditions depuis la traversée de la Nouvelle-Zélande
vers la
Nouvelle-Calédonie il y a un an de cela.
N’ayant pu lâcher la barre
un seul instant depuis notre départ, j’aperçois Trinquette le museau collé au
plexiglas de descente. Elle demande à sortir pour venir voir si je vais bien
peut-être ! Ou si j’ai besoin de quelque chose, elle qui dors paisiblement
à l’abri depuis plus de 6 heures. Et bien non ; dans tout ce
vacarme ; elle a entendu un bruit suspect et reconnu en lui l’échouage
d’un poisson volant sur le passavant tribord, donc sous le vent, au plus près
du danger. Elle sort, s’approche sûrement de sa proie, puis la rapatrie dans le
cockpit, dévore sa victime sous mes yeux ébahis, et retourne se lover à
l’intérieur comme si de rien n’était !
Cette chatte m’étonnera toujours !
A 18h00 : ça se calme enfin. La mer se dégonfle pour
perdre peu à peu de la vigueur sous l’effet protecteur de la grande barrière de
corail. Le vent s’assagit de concert.
Nous pénétrons dans le lagon
vers 18h30, pour arriver au mouillage de hienghène, sous les yeux
interrogateurs et perplexes de la Poule
Couveuse à 20 heures.
Il nous aura fallut 11
heures pour couvrir les 80 milles qui nous séparaient de l’Atoll BB, à 7,3 nœuds de moyenne et 10 heures 30 à la
barre ! Je crois que c’est un record pour nous sur ce laps de temps !
Hienghène, où il est
toujours bon de revoir les amis ; la tribu Baboo Plongée. On m’apprend
qu’un BMS avait effectivement été émis par météo France pour la zone couvrant
les îles Loyautés ainsi que l’est de la Grande Terre. Ce dernier fût
émis à midi et annonça un renforcement soudain de l’Alizé à 40 nœuds et plus,
accompagné de fortes pluies ainsi qu’une
mer grosse avec des creux possible de 4 mètres . Bon d’accord ! No comment…
Et aussi Fred, Lydia la Nounou de Trinquette,
Camille et Romain des Charentes. Ainsi que l’agréable surprise d’un nouveau
venu dans les rencontres qui font chaud au cœur ; Olivier Martinon et sa
copine Camille qui ont fait leurs études d’ostéopathie avec Pauline et Marion
Pinson à Bordeaux. La famille… Nous parlons beaucoup de voile, de régates, de
mon frère jumeau et de sa réputation qui le précède même ici aux antipodes.
Merci à tous pour ce bon moment partagé en votre compagnie. Bon vent les amis…
-
Dimanche
12 :
Nous
continuons notre petit bonhomme de chemin vers le nord du Caillou, au sein même
du lagon nord-est, en direction de Pouebo, pour une escale le temps d’une nuit
à Pam, embouchure de la rivière Diahot.
Départ à midi sous le regard
indifférent de la Poule. J ’me
ferais bien des œufs au plat pour le déjeuner !
Vent d’est sud-est 15 nœuds
au début puis rapidement 25 nœuds stables pile dans l’axe de la côte créant un
effet venturi bénéfique. La mer est peu agitée car nous évoluons dans le lagon.
Le ciel est couvert mais tend à se dégager de concert avec le vent qui forcit
dès le début de l’après-midi. Belle navigation côtière en perspective.
Voiles en ciseaux tribord
amure, 2 ris dans la GV ,
nous voyons défiler sous nos yeux le très beau panorama offert par les hautes
montagnes du Mont Panié qui culmine à 1 629 mètres
d’altitude, les majestueuses cascades de Tao, Colnett et Pouebo.
Un tazard à la traîne pour
le dîner.
C’est à 7 nœuds de moyenne
sur 50 milles parcourus que je laisse tomber l’ancre à Pam, dans l’embouchure
du Diahot, endroit parfaitement sauvage et préservé.
-
Lundi
13 :
Pas
de repos pour les braves ! Enfin tout est relatif… Chaque matin un nouveau
départ, chaque soir une nouvelle escale, chaque jour de nouvelles navigations
et de nouveaux paysages aussi surprenants que variés. Et pour confirmer ces
petits bonheurs simples ; le beau temps s’installe durablement. L’Alizé
tombe et laisse place aux brises thermiques ne dépassant guère les 10-12 nœuds,
voir pétole de 11 heures à 15 heures. La route serpente entre les hauts-fonds,
le courant nous a handicapé au début, puis aidé en milieu d’après-midi. Le vent
nous joue des tours. Sud sud-est, 5 puis 10 nœuds. Puis rien ou très peu. 5, 10
et enfin 18 nœuds de sud pour les 6 derniers milles.
Au terme d’une lente, très
lente progression de 22 milles en direction de Boat Pass (sans l’aide du moteur
je tiens à le préciser), nous passerons cette prochaine nuit sous les étoiles à
Poingam.
-
Mardi
14 :
Objectif
du jour, transiter Boat Pass. C’est un chenal naturel long de 2 milles environ
qui permet de couper entre l’extrême nord du Caillou et l’île Paaba, de
rejoindre Poingam positionné sur la côte est, à Poum situé sur la côte ouest.
Et pimpampoum ; on shunt un détour par le nord de plus de 15 milles !
Ce passage au cœur d’un
grandiose décor d’archipel est réservé au faible tirant d’eau (moins de 2 mètres à marée haute).
Navigation à vue obligatoire car l’entrée côté Poingam est truffée de grosses
patates de corail parfaitement visibles avec le soleil de la première moitié de
journée (dans le sens est-ouest ndlr).
4 milles parcourus ce jour
dont 3 au moteur, car le courant défavorable commencé déjà à descendre lorsque
nous avons entamé le transit. Là ; l’utilisation du moteur me paraît
judicieux voir indispensable. Quoi que, avec le courant dans le bon sens…
Et la sortie, où le fond
remonte à moins de 1 mètre ,
débouche sur Poum ; oasis du bout du monde, aux confins d’un immense
enchaînement de croupes de savanes rosées, de terres ocres ou blanches, de
forêts de Niaoulis, plages sauvages et mangroves, le tout soumis à l’humeur
d’un soleil jumelé à L’Alizé et aux brises thermiques rois de la contrée.
A 11h30 : relâche à Tarugo, que l’on pourrait décrire
comme étant un tout petit amas de corail mort de 100 mètres de long sur
20 de large. C’est tout…
Telle à encore été ma
surprise lorsque j’ai découvert que Trinquette se délecte depuis peu de la
pulpe de noix de coco, des Sao (ou crackers), et un soir ; je l’ai même vu
débouler avec une belle crevette vivante dans la gueule qu’elle a dû aller
pêcher sur la plage arrière lors d’une de ses parties de pêche au
lamparo !
-
Mercredi
15 :
Navigation
du matin et activités diverses l’après-midi ! Nous nous mettons en route
pour la baie du Croissant. Vent de sud-est 10-12 nœuds. 15 milles à parcourir au louvoyage tout dessus,
à tirer de petits bords de près sur une mer plus que calme au cœur d’un décor
de Bay Of Islands néo-zélandais, un peu méditerranéen aussi. Le contraste est
saisissant par rapport à toutes mes escales précédentes, dépaysement garanti.
Et que dire de ce magnifique
havre de paix que la baie du Croissant, sa longue plage de sable toujours
agrémentée de sa cocoteraie, surplombée à 250° par des pics culminants à plus
de 300 mètres
d’altitude jouissants d’une vue éblouissante sur le lagon et ses petits îlots
éparpillés ça et là.
15h00 : j’entreprends la grimpette vers le sommet
côté lagon et me retrouve à 264
mètres de hauteur. Au nord ; Free Spirit
s’enorgueillit de son mouillage sauvage rien que pour lui. A l’ouest et au
sud ; nos prochaines escales ; les îlots Tiam-Bouène, Double, Pouh,
Rat. Juste époustouflant. Moi qui suit plutôt accro des îlots, je dois avouer
que ce mouillage là restera parmi les plus belles surprises de ce tour calédonien.
A 23 milles d’ici dans le sud-est ; Koumac.
-
Jeudi
16 :
Cap
sur l’îlot Tiam-Bouène (lieu de tournage de l’émission Koh-Lanta, remportée
cette année là par Grégoire, un ami).
Vent d’est sud-est faible à
très faible. 10 milles au louvoyage… et
4 heures de voile, condition de demoiselle !
Encore du bonheur à très
haute dose ! Îlot-joyau du bout du monde ; vous allez me manquer, ça
c’est certain !
-
Vendredi
17 :
Îlot
Tiam-Bouène vers l’îlot Double. 7 milles de distance. Autrement dit des sauts
de puces quoi ! D’ailleurs sans mauvais jeu de mot ; le vent étant
passait d’est nord-est 10 nœuds à plein nord 20 nœuds ; il nous est devenu
impossible de mouiller à l’îlot Double car il est encerclé de corail et le fond
tombe brusquement. Vous attendez le jeu de mot ; et bien je déroute vers
l’îlot Pouh, situé à 4 milles au sud.
Et je vous assure que nous
ne perdons rien au change, bien au contraire.
Il n’est que 10h30 ; et
Free Spirit est mouillé dans 2
mètres de fond de sable mélangé à du corail, à 20 mètres de la plage !
Car à 30 mètres ; le fond chute à pic en avalanche de patates
coralliennes.
Magnifiques plongées,
qualité et diversité de la faune et de la flore exceptionnelle !
Petite chasse sous-marine,
petit BBQ, petit coucher de soleil… Dur dur !
-
Samedi
18 :
13h00 : c’est avec beaucoup de nostalgie que je lève
l’ancre afin de mettre le cap sur l’îlot Rat (baptisé comme ça à cause de sa
forme, et c’est vrai que de loin, sa silhouette ressemble indiscutablement à ce
vilain gros rongeur). « Laisse tomber Trinquette, ni pense même pas !
».
2 bords de près à la vitesse
de l’escargot. Ben oui ; avec un pet de lapin volatile du sud sud-ouest 5
nœuds, rafales à 8 ; Free Spirit ne fera pas de miracle !
Heureusement, nous avons le temps et seulement 6 milles à couvrir.
-
Dimanche
19 mai :
Retour
à la civilisation ! 5 milles
d’écart en distance, mais des milliers d’années d’évolution ! Eau chaude,
téléphone, marina, Internet, voitures climatisées, supérettes etc…
Tout à la voile, nous
arrivons après deux éphémères bords de près dans 10-12 nœuds de sud sud-est
devant « Le Skipper » ; ou mon ancien lieu de travail durant les
3 mois et demi de saison cyclonique.
La boucle Kanak est bouclée
en 50 jours, 810 milles nautiques, 23 escales, et des souvenirs plein la tête.
Le départ risque de piquer un peu…
Lundi
soir ; nous partons pour l’îlot Tangadiou situé à 4 milles de Koumac, et
idéal pour effectuer la toilette de Free Spirit. Le beachage y est sûr, les
marées tombent bien. Mardi ; grattage, nettoyage, ponçage. Et
mercredi ; 2 couches de peinture antifouling !
A 17h30, sous les ultimes
regards du soleil ; une demi-heure avant la marée haute, l’étrave de Free
Spirit se libère de l’îlot Tangadiou… et nous souhaite bon vent !
Tout beau et tout prêt à
entamer la longue route du retour mon fidèle compagnon de voyage !
Il me reste à descendre sur
Nouméa afin d’obtenir mes papiers de sortie du territoire, et hasta la vista…
L’aventure continue !
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