mercredi 10 octobre 2012

Les retrouvailles !

Retour de métropole, départ pour les îles Vanuatu.


         Amis lecteurs, amoureux du voyage, de la mer et des rencontres, la Tribu Free Spirit a l’immense plaisir de vous annoncer que leur aventure reprend le cap des embruns, de l’Alizé et des mouillages sauvages qui invitent à la plongée, au Kitesurf, et au farniente !

Little flash-back : j’aimerais commencer par un point très important qui consiste à crier haut et fort à tous ceux que j’aime, à savoir ma famille, mes proches, mes amis, mes collègues, que je les aime de tout mon cœur.
Il ne me semble pas inutile d’insister sur le fait que ce retour (même éclair, et donc pas définitif) m’a vraiment fait beaucoup de bien. Quelle joie et quelle émotion de vous revoir, pouvoir vous embrasser, vous parler, lire dans vos regards humides que les séparations sont souvent trop longues et difficiles. Les retrouvailles n’ont pas de prix ! Malheureusement si : celui des « aux-revoirs ». Mais vous savez ce que c’est : il faut partir souvent pour s’aimer toujours ! Bon d’accord ; ça se discute…

Parallèlement à cela ; je tenais également à remercier toute la grande Famille Golfy pour cette belle saison estivale au sein de mon home-spot (traduisez « comme à la maison ! ). Merci Tonton Jean-Mi pour ton accueil, et bon vent au Kudeta ; Grand frère de Free Spirit (un jour viendra où j’espère ils joueront dans le même bassin ! ).
Un océan d’amour, de sympathie et de fierté pour Maman, Papa et le magnifique « Côte de Beauté » pour la redécouverte du Bassin d’Arcachon ; le banc d’Arguin, la dune du Pyla, dès mon arrivée dans l’hexagone, ainsi que la Baie de Quiberon (que Free Spirit connaît bien aussi ! ), Houat, Belle-île en mer, la veille de mon départ.

Félicitations à Kévin et Marie-Julie pour leur passage en mode « famille ».
Tous mes vœux de bonheur à Emilie & Rémy, et Laure & Guillaume pour leur acte de foi, promesses d’amour éternel.
Sans oublier Marion & Vincent pour leur bonheur à venir, partagé par toute la famille.

Milles pardons pour tous ceux que je n’ai pas pu croiser notamment par manque de temps. Je pense à vous et au plaisir que nous aurons à nous revoir dans 2 ans !


Ceci étant écrit : revenons en Nouvelle-Calédonie, où j’atterrie à l’aéroport de La Tontouta (nom donné à la rivière adjacente) après 24 heures de voyage (et de rencontres ! ) le 10 septembre 2012.
Quelques jours passés à Nouméa City me permettent de régler quelques affaires, de faire de nouvelles rencontres aussi surprenantes qu’inattendues, et surtout de re-côtoyer avec une certaine émotion des copains de bateaux croisés sur le Canal de Panama, en Polynésie et en Nouvelle-Zélande.
Parcours et timing différents font que nous nous séparons à un certain point de notre belle planète, pour ce retrouver un peu plus tard dans le temps et un peu plus loin dans l’ouest.
C’est ainsi que je saute de bateau en bateau et passe de cabine en cabine le temps de se remémorer les bons souvenirs, de prévoir et d’anticiper l’avenir, de refaire le monde…
Certains vont passer la saison des cyclones (de décembre à mars) en Australie (voiliers « Sur l’eau », « Rantanplan », « Kappa » ), descendent ou redescendent en Nouvelle-Zélande, font route sur l’Indonésie (voiliers « Sundance », « Alibi » ), la Malaisie, les îles Salomon (voiliers « Dalaï », « L’îlot » )… D’autres viennent juste de toucher les îles Mascareignes (îles Rodrigues, Maurice, Réunion) (voiliers « Ti Jon », « Magalyanne », « Ty Punch », « Gwennili » ). Ces derniers devront atterrir en Afrique du sud en décembre. C’était le programme de Free Spirit initialement prévu ! Mais la vie et ses rencontres surprenantes font que…
Certains sont à vendre ou vont bientôt l’être (voiliers « Savuti », « L’étoile de Lune », « Téou » ). A ma connaissance ; aucun bateau ne retourne en arrière. Pourtant j’ai comme une folle envie de retourner en Polynésie !!!
Et que dire de la rencontre avec Alain Menant (voilier « Mariava » ) que j’attendais avec impatience. Alain m’a connu il y a 25 ans de cela lors de mon premier voyage, c’était au Vénézuela. Et nous nous sommes suivi jusqu’en Polynésie, où Mariava a été vendu. Et nous ; voilier « Côte de Beauté », avons continué notre route vers l’ouest. Alain s’est installé en Nouvelle-Calédonie depuis 20 ans, prof et surtout artiste peintre très en vogue. Par le plus grand des hasards : nous nous sommes retrouvés, un quart de siècle plus tard, à la galerie (Le Chevalet D’art, Ouémo à Nouméa) où il expose… le jour de son vernissage !!! Séquence émotion… J’adore ça !


Je récupère donc l’acte de francisation de Free Spirit au service des Douanes de la Nouvelle-Calédonie qui m’oblige prestement à sortir mon bateau du territoire calédonien.
Par pure bonté de cœur ; l’agent m’accorde quelques jours afin que je puisse préparer mon fidèle compagnon de voyage à reprendre la mer. C’est bien généreux de leur part !
Nous n’avons pas tellement le choix quant à la destination choisie (l’Australie et la Nouvelle-Zélande étant relativement éloignés et donc logistiquement beaucoup plus difficile d’accès). Ce sera donc les îles Vanuatu, avec comme point de chute Port Vila sur l’île d’Efate.
Seul bémol ; je dois revenir sur Nouméa pour effectuer la paperasserie et autre clearance 48 heures avant la date du départ.

A mon retour sur le Caillou : on nous accorde un séjour de 7 mois maximum, ce qui nous amènera à terme au mois de mai, date à laquelle nous pourrons prendre notre route de retour, via le détroit de Torrès, Bali, île Christmas, île Coco Keeling, îles Mascareignes, Afrique du sud etc… Nous n’en sommes pas encore là, n’est-ce pas ?
Place aux retrouvailles ! Je suis tout excité à l’idée de revoir Free Spirit, Trinquette, ainsi que tous mes amis de Hienghène.
Quelle émotion et quelle sensation forte lorsque, au détour d’un virage légèrement surélevé, j’aperçois enfin le mât, le gréement, puis rapidement mon bateau tout entier ! Il est là à m’attendre sagement depuis 3 longs mois, à se languir de nos folles aventures passées et à venir.
Et je sais que vous l’attendiez tous ; les retrouvailles avec Trinquette ! Eh oui : c’est elle, la star du bord, qui se dévoile dans les herbes hautes du jardin de Nounou-Lydia que je remercie pour avoir bien pris soin d’elle. Trinquette gambade dans ma direction, je l’attrape enfin, s’en suit bien sûr un gros câlin. C’est mon côté sentimental.
Suite à son intervention chirurgicale stérilisante : une légère allergie aux produits utilisés, une période post-stressante et blablabla ; je remarque effectivement qu’elle a perdu quelques poils au niveau du cul-cul ! Ca fait bizarre ! Mais bref ; je l’aime quand même : le physique importe peu, c’est ce qui se cache à l’intérieur qui est primordial et qui fait ce que nous sommes !



Cap sur Port Vila, île d’Efate, Vanuatu !


Mardi 2 octobre 2012 :
Check-up de départ : moteur sorti de l’hivernage (démarrage du premier coup), électricité et électronique de bord (GPS, VHF, détecteur de radar, l’indispensable « Loulou-alias mon équipier à la barre », feux de navigation etc…) vérifiées, voiles prêtes, pont dégagé, bateau (coffres, intérieur et extérieur) rangé, annexe et moteur hors-bord à poste pour la traversée, plein d’eau et d’avitaillement effectués, carène passée à la brosse, frais de marina payé. Trinquette a réintégré le bord, je suis prêt, Free Spirit fourmille d’impatience ! Tout est OK !

La météo, quant à elle, nous annonce des vents de sud-est, 15 puis 20 nœuds en début de période avec une mer agitée, se calquant à quelques milles près avec la première moitié du parcours. Et un Alizé plus soutenu à 25 nœuds, 30 sous quelques grains pluvieux, avec un mer très agitée pour la deuxième moitié du parcours, et ce jusqu’à vendredi. Puis retour à un Alizé plus calme à partir de samedi. Ca : c’est sur le papier comme on dit !
Vous allez constater encore une fois que toutes ces prévisions soit-disant de plus en plus modernes et fiables, mises facilement à disposition des plaisanciers que nous sommes (je pense aux fameux fichiers météo Ugrib ou ZiGrib, relatant sans relâche par acte de prosélytisme que « We are the Best in the world ») ; c’est du vent dans un violon !!! Du pipeau quoi ! Mais nous autres commençons à connaître la musique ! Il faut juste savoir lire les partoches ! Tu dois savoir par exemple que lorsque les fichiers annoncent 20 nœuds (2 traits sur la flèche) ; ceci correspond à la moyenne basse. Tu dois donc t’attendre à chopper du 35 nœuds. Au moins sous les grains. Quand tu sais pas : tu t’attends naïvement à effectuer une traversée tranquille-le-chat.
Et puis il y a l’espoir aussi : tu te dis que quand même ; 35 nœuds au sein de l’Alizé : c’est rarissime ! Que nenni ! T’es pas crédule à ce point ?
De toute façon, il arrive un moment où lorsqu’il faut mettre les voiles : y’a plus qu’à wincher !!! L’agent de Douanes me l’a pas exprimé de cette façon, mais j’ai bien saisi l’idée principale… - « Casse toi à Port Vila, voir si j’y suis ! ». – « Je sais que tu n’y seras pas personnellement. Mais je ne m’inquiète pas trop sur le fait que il y en aura un autre comme toi pour nous accueillir ! ».


Après ce bref et utile intermède ; à bon entendeur… revenons à nous moutons (n.m.plur. Petites vagues qui forment une écume blanche à la crête des vagues lorsqu’il y a une petite brise. Dictionnaire Larousse).

9h30 :  l’appareillage tant désiré : nous larguons les amarres, dernier cordons ombilicaux nous reliant à la terre et ses habitudes terriennes. Fini les excès d’abondances, place aux utilisations parcimonieuses des éléments embarqués ; l’eau douce et l’électricité essentiellement).
L’île d’Efate se situe à 260 milles dans le nord-est de Hienghène, au sein de l’archipel des îles Vanuatu, dont Port Vila se trouve être sa capitale. C’est là que nous allons !
Le moteur tourne bien. Il va nous permettre durant 2 petites heures, d’attendre intelligemment l’arrivée de l’Alizé-bonheur, de sortir de la grande et belle Baie de Hienghène sous les œufs attendris de la Poule couvent ses yeux lol, et de remonter au vent (quasi inexistant pour le moment) jusqu’à la hauteur de l’îlot Hienga que nous connaissons bien.
Le ciel est gris, maussade, et ne laisse pas transparaître le soleil.
11h00 :  ça y est : l’Alizé se lève ! Il souffle de sud-est environ 15 nœuds. Je hisse la GV à un ris (je sais par expérience que le vent ne peut faire que forcir), ainsi que la trinquette, allure de près, tribord amure. Toute la traversée se fera barre amarrée ; le seul et unique avantage de faire du près, Loulou est en vacance, et moi : disons en RTT !
Un quart d’heure plus tard ; nous venons de déborder au vent l’îlot Hienga, cap sur la bonne route, Free Spirit se déhale, je peux couper le moteur. Encore quelques milles dans le plus grand lagon du monde, et nous serrons libres !
12h30 :  par la Grande Passe, à l’ouest du récif Doiman, et sous le regard interrogateur des plongeurs du centre Babou Plongée-Côté Océan (nous nous connaissons bien), Free Spirit pointe son étrave vers le large, portes ouvertes sur le grand océan. Enfin il se délecte de son élément favori ; la mer est ses espaces infinis.
Et déjà le vent s’accélère pour s’établir à 20 nœuds. Cap au 50°, histoire de ne pas être surpris par le courant qui nous porte au nord-ouest. Allure de près bien entendu.
17h30 :  25 nœuds à l’anémomètre. Pas de chichi, je prends le 2ème ris. La mer se forme et se creuse à hauteur de 2 mètres environ.
22h00 :  Trinquette se pâme devant son premier poisson volant depuis que nous avons tous repris la mer. Je constate avec plaisir qu’elle n’a pas perdu ses habitudes culinaires (c’est son plat favori ! C’est elle qui me l’a dit ! ), et qu’elle n’a pas hésité une seule seconde pour aller chercher sur le passavant bâbord (donc sous le vent et au plus proche de l’élément liquide déchaîné), son dîner encore vivant.
Pourtant, jusqu’ici ; elle a été plutôt récalcitrante à mettre les papattes dehors. Elle dors tout le temps (remarque, je crois me souvenir que c’était déjà le cas, surtout en traversée). Et puis faut dire que les conditions extérieurs n’ont rien d’une promenade de santé ! Bon, laissons lui le temps de se ré-acclimater à son environnement naturel si l’on peut dire !
22h15 :  comme convenu avec les prévisions météo ; le vent souffle (et pas que en Arizona) pour atteindre 30 nœuds à l’aise. Je rétrograde en passant au 3ème ris (que j’avais pris soin de préparer depuis la marina. C’est pas au requin blanc qu’on apprend à montrer les dents ! ), histoire de soulager la cadence.
La lune, presque pleine, nous guide dans notre quête de terres nouvelles, entre-cachée parfois par quelques nuages vélocement poussés par un Alizé nerveux.
L’allure de près bon plein nous permet de maintenir une vitesse correcte, au dépend du confort de vie à bord. Pas besoin de vous faire un dessin !


Mercredi 3 :

Lever de soleil :  5h34.
7h00 :  20-25 nœuds de sud-est. Mer agitée à très agitée. Creux de 2 mètres. Ciel clair.
8h00 :  le vent semble se stabiliser, et nous avons un peu ralenti. Je repasse à 2 ris.

         9h30 :  JOUR 1.  19°41 de latitude sud, 166°30 de longitude est ;  110 milles parcourus ces premières 24 heures. Reste 155 milles dans le 30°.

12h00 :  la chaleur commence à ce faire sentir. Serait-ce parce que nous nous rapprochons de l’Equateur ? C’est fort probable.
16h30 :  début des hostilités ! Le temps se gâte, Eole et poséidon se fâchent ! Un front se dessine dans notre sud pour se diriger vers nous. Conséquence directe : l’anémomètre commence à s’affoler. Je prends de nouveau le 3ème ris, et commence à douter quant à la possibilité de garder ou non la trinquette.
15 minutes plus tard ; la question ne se pose plus ! Dans le même laps de temps : je crois déceler une certaine inquiétude dans l’attitude ainsi que les miaulements de Trinquette (la chatte ! ).
Et c’est parti mon Kiki ; 40 nœuds, rafales à 45. Plus le choix : j’affale la trinquette (la voile ! ), et mets à la cape en attendant, en espérant que ça se calme ! A la cape = à 10-30 degrés du vent et des vagues, GV bordée, barre poussée. C'est une première !
On met le bateau à la cape lorsque notre destination se trouve au vent notre position. On met en fuite lorsque la destination se situe sous le vent de notre position. Quoi qu'il en soit : que l'on soit en bateau, en vélo, à pieds, en Kite etc... : c'est toujours mieux avec le vent dans le dos, n'est-ce pas ?
La mer se creuse méchamment, et n’hésite plus à submerger le pont de ses déferlantes puissantes. Il pleut dru. Pas terrible la reprise !
19h00 :  je rentre me confiner au chaud en laissant Free Spirit à la cape. Autant dire que ça piaule grave à l’outside ! A l’intérieur, une fois la descente fermée ; tout semble s’être arrêté, tout est beaucoup plus calme et rassurant, sauf les mouvements plus ou moins rapides et ininterrompus de notre maison flottante et dérivante au gré des conditions climatiques difficiles. Seul le sifflement dans les haubans laisse supposer qu’il ne fait pas bon sortir une trinquette (les 2 mon Capitaine ! ).
Et dire qu’il y a 3 heures à peine : je lisais coolement sur le pont, sous le soleil des tropiques, pendant que Free Spirit filait ses 5 nœuds, barre amarrée, tranquille le chat ! Et je ne vous parle pas de la moyenne !


Jeudi 4 :

Et voici plus de 13 heures que nous étalons à la cape. Le vent n’a pas molli de toute la nuit, soufflant copieusement à 40 nœuds et plus sous les grains. J’en déduis donc que ce n’était pas qu’un petit caprice micro-climatique isolé.
Le paysage marin a radicalement changé ce matin ; ceux sont des montagnes d’eau qui se forment et se dessinent sur notre tribord. Certaines culminent à 4 mètres. Leurs crêtes sont abondamment enneigées d’écume, tourbillons d’embruns et de moutons. Côté ciel ; c’est plutôt relax, mais c’est sûrement pour mieux se brouiller plus tard.

         9h30 :  JOUR 2.  18°56 sud, 167°23 est ;  67 milles parcourus. Reste 89 milles dans le 24°. Nous sommes en train de perdre tout notre bénéfice durement gagné au vent. Ca va finir en louvoyage toute cette histoire !

20h00 :  la nuit est noire encre, seul se distinguent le blanc des vagues déferlantes dans un bruit presque stressant. Si j’avais dû avoir quelques doutes quant à la date « choisie » (plus ou moins par les Douanes) de mon départ ; je crois bien que ce serait maintenant.



Vendredi 5 :

8h00 :  toujours 35-40 nœuds de sud-est. Si vous rajoutez 20 nœuds aux prévisions des fichiers météo Ugrib, vous êtes dans la réalité. Le secret de la navigation ; c’est arrivé à prévoir l’imprévisible. Il faut que ça devienne un automatisme, un 6ème sens, enfin appelez ça comme vous voulez…
Beau temps, j’en dirais pas autant de la mer, croisée, déchaînée, puissante, avec ses creux de 3 à 3,5 mètres.
Nous subissons encore et encore le gros temps. Le bateau est toujours entièrement fermé et la vie à bord ne s’arrange pas. Je prends mes repas debout dans le coin cuisine où je suis à peu près bien calé. Rien ne tient nul part sauf sur la gazinière installée sur cardan, et qui suit donc le mouvement latéral (le roulis) du bateau. C’est pas la position la plus confortable, mais c’est de loin la plus sûre !
Trinquette continue tranquillement mais sûrement à reprendre ses marques à bord. Elle vient de s’empiffrer un gros calamar d’une vingtaine de centimètres venu finir ses jours dans notre cockpit, juste au pied de la descente.
En revanche, et nous avons ceci en commun ; nous ne mettons pas les pattes dehors, sauf pour la veille régulière, ainsi que nos besoins naturels respectifs.

         9h30 :  JOUR 3.  18°16 sud, 167°42 est ;  43 milles intégralement couverts à la cape. C’est vous dire tout de même que ça pousse ! Reste 47 milles dans le 35°.

10h00 :  ça à l’air moins pire. J’ai bon espoir de hisser et surtout de garder la trinquette, histoire de reprendre un peu notre route vers Port Vila. Espoir déchu. Je sens bien que ça force trop. Au près et au delà de 30 nœuds en vent réel (ce qui donne 35 en vent apparent) ; ça l’fait plus ! J’affale donc par désespoir de cause ! Quel échec, quelle calamité.
Nous nous retrouvons face à un sérieux dilemme ! Soit nous continuons à étaler à la cape ; ce qui aura pour effet de nous faire rater Port Vila, peut-être même l’île d’Efate, vent, courant et mer contre nous ; nous déportant dans le nord-ouest. Soit j’essaie d’avancer en reprenant notre cap tout en gardant la marge de sécurité de mon bateau. Il est maintenant certain que les conditions sont trop mauvaises pour pouvoir garder sereinement la trinquette, donc je ne vois plus qu’une seule solution : hisser le tourmentin, autrement dit la voile tempête (4m2 de toile épaisse de couleur orange fluo, pour un éventuel repérage rapide d’hélicoptère, c’est rassurant ! ). D’ailleurs ; c’est une inauguration ! Elle n’avait encore jamais été endraillée (enfin elle est neuve quoi ! Et c’est tant mieux. Moins l’on s’en sert, et mieux on se porte).
Bon, le résultat est pas si mal que ça. Je regrette même de ne pas y avoir pensé plus tôt. Bref, passons…
14h30 :  ciel dégagé, 30 nœuds stables. J’affale le tourmentin et hisse la trinquette (la voile ! ). Quant à la chatte : elle vient juste de dégobiller son calamar, pourtant assurément de la toute première fraîcheur. Elle a encore eu les yeux plus gros que le ventre ! J’commence à la connaître ma gourmande d’équipière féline !
16h30 :  l’Alizé refuse en virant légèrement à l’est sud-est, ce qui n’arrange absolument pas nos affaires ! Surtout qu’il repasse en mode baston, avec de nouveau des rafales atteignant les 40 nœuds. Re-configuration en mode tourmentin, trinquette au sec ! La mer se renforce de concert comme de bien entendu ! Grosses vagues déferlantes, matraquage et passage à tabac, on remet ça !
A 25 milles de Port Vila ; je sais maintenant que nous n’y arriverons pas sur ce seul bord, compte tenu de ma dérive. 40° de cap au compas, quasi du plein nord en cap réel ! L’échec est total ! Et je ne sais plus trop quoi faire ! Me dérouter sur une autre île située plus au nord ? Bonjour la galère pour revenir sur l’île d’Efate !
J’opte pour le louvoyage. Il va nous falloir tirer des bords dans la baston et remonter péniblement le long de la côte nord-ouest d’Efate que nous abordons vers 2 heures du matin. Premier virement de bord, puis un deuxième à 3h30, et un troisième à 6h30.
On peut comparer le près, et le louvoyage à fortiori, à un gros vilain rhume ! Fatiguant et démoralisant, éreintant et exténuant. Free Spirit bute dans la vague comme lorsque l’on éternue. On sent que ça vient, on lève la tête, on pique du nez violemment, et tout s’arrête, on avance à rien de rien ! A tes souhaits ! Mon souhait tout de suite maintenant ; ce serait que le vent tourne et faiblisse. Un signe de bonne volonté quoi !


Samedi 6 :
6h30 :  il nous reste 9 milles à parcourir en route directe jusqu’à Port Vila, parfaitement face au vent.
On continue les virements de bord ; à 8h30, à 12h30 (je remplace le tourmentin contre la trinquette, profitant d’une mer plus calme car abritée par la côte), puis à 14h00.
Dernier petit louvoyage serré dans la baie de Port Vila, entre les voiliers au mouillage (dont le Phocéa, superbe 4 mâts luxe ayant successivement appartenu au regretté Alain Colas, puis à Bernard Tapis, et aujourd’hui saisi par le service des Douanes du Vanuatu pour trafic de drogues, d’armes etc…).
Sous voiles ; nous arrivons devant les quais, à proximité de la bouée jaune de quarantaine, et laisse tombée l’ancre par 3,5 mètres de fond de sable et de patates de corail. Il est 15 heures.

300 milles parcourus en 101 heures, à 3 nœuds de moyenne. Par comparaison : Banque Populaire V, skippé par Pascal Bidégorry, avait parcourus 3000 milles dans le même temps, à 30 nœuds de moyenne, entre New-York et le Cap Lizzard).
1 heure 45 de moteur au départ, 41 heures à la cape, et 24 heures sous tourmentin. Ca laisse penseur !


Aux premiers coups d’œil : on s’aperçois bien que l’on se situe au cœur de la « City » : musique à fond sur les quais, marché, et surtout une activité touristique débordante (paquebots australiens, parachutes ascensionnels, grands hôtels, jet-skis, promenades en hélicoptère, tout y est ! Quel contraste saisissant avec Tanna, si sauvage et naturel !

Je passe dire un petit bonjour à Nathalie et Dominique du voilier «l’étoile de Lune », rencontré à Mooréa en Polynésie en septembre 2011.


Lundi 8 :
Tous ces messieurs dames du service public ne travaillant pas le week-end : il me faut d’ores et déjà accomplir mais formalités d’entrée sur le territoire Ni Van.
9h00 :  on commence par un appel VHF canal 16 au Yachting World – Waterfront afin qu’ils nous envoient les services phytosanitaires (3 000 Vatus la visite à bord).
120 Vatus = 120 Francs pacifique = 1 Euro.
L’agent arrive en bateau 1 heure et demi plus tard. Courte inspection du coin cuisine ; il me sucre ma dernière pomme et mon demi choux blanc, ainsi que ma poubelle. Puis me signale qu’il doit revenir avec la vétérinaire ????
Ca recommence comme en Nouvelle-Zélande ! Je m’attends encore au pire ; mise en quarantaine, visites régulières du véto, chatte et bateau consigné à Port Vila, et bien sûr des frais en plus…
Eh bien non, rien de tout ça ! La vétérinaire très sympa demande à voir le carnet de vaccination de Trinquette… Tout est en ordre. Elle me demande si j’ai l’intention de la descendre à terre. Ma réponse et non bien évidemment !
- OK, c’est bon ! Ouf !

Je descends en début d’après-midi afin de me rendre moi-même au service des Douanes (que l’on paie à la sortie du territoire). Puis le service d’immigration, à 4 800 Vatus le coup de tampon !

Je peux enfin gambader librement dans les rues de Port Vila où se mêlent banques, shop de Duty Free, magasins chinois bourrés de contre-façons, Quik Silver, Rip Curl, Billabong, Lacoste, Armani etc pour les fringues, et Oakley, Ray-Ban, Prada, Channel etc pour les lunettes, et j’en passe…
Le marché aux fruits et légumes est sublimes, resplendissant de couleurs, explosion de saveurs. Idem pour les petites cases de souvenirs locaux, sculptures, pendentifs, et artistes de toutes sortes.

Il me faut prévenir Mathieu (le frère de Benjamin Hoyer, l’un de mes collègues de travail du Golfy, chez moi, à La Palmyre). Mathieu vit à Port Vila depuis plusieurs années et nous nous sommes contactés que via Internet.
Pendant ce temps : « l’étoile de Lune » appareille pour Nouméa après un séjour de 4 mois dans les îles Vanuatu. A cette occasion ; Nathalie et Dominique me prête leur téléphone local, le temps de mon séjour. Super sympa de leur part !
En enregistrant un nouveau numéro d’un copain de bateau que nous avons en commun : je m’aperçois que 5 numéros seulement sont enregistrés… Et mes yeux s’arrêtent sur le nom de Mathieu Hoyer !!! Y’a plus qu’à lui envoyer un petit texto, et le contact est pris de la façon la plus simple de monde !