Tous mes amis de
bateaux circumnavigateurs sont déjà là, au bassin Caudan ! Et ils vont
tous y rester, préférant le confort et la sécurité d’une marina placée en plein
centre-ville à l’évasion et la découverte hors sentiers battus. Tous sauf
Bonaire, mes amis anglais, et Free Spirit.
Je ne dis pas que
la ville n’est pas attrayante ; les restos et les bars ne sont pas chers,
l’ambiance est excellente, le marché très vivant… Mais tout de même, Maurice
peut offrir autre chose, et c’est bien pour cette raison que nous voyageons en
voilier. Comme disait Paulo Coelho : « Le bateau est en sécurité dans
le port, mais ce n’est pas pour ça qu’il a été conçu ! ».
Résumé
de la traversée Rodrigues - Maurice.
Free
Spirit a parcouru 350 milles en 3 jours et 21 heures, à 3,8 nœuds de moyenne pour 90 milles par
jour. 270 milles les 48 premières heures
(5,6 nœuds de moyenne), et seulement 80 milles dans le même laps de temps à 3
heures près (1,8 nœud de moyenne).
70 heures de barre
pour notre pilote de prêt venu secourir notre pilote de secours ! 13 heures pour le capitaine les 2 premiers
jours. Une dizaine d’heure à la dérive.
45 minutes de moteur (15 minutes au départ de Port Mathurin,
île Rodrigues, et 30 minutes à l’arrivée à Port-Louis, île Maurice).
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Dimanche
29 septembre 2013 :
comme
je le stipulais un peu plus haut : il n’est pas question de rester cloîtré
entre 4 quais, au beau milieu de la city de surcroît ! Deux jours seront
bien suffisants histoire de découvrir Port-Louis et quelques-uns de ses
secrets, de passer une très bonne soirée avec mes amis de bateaux ; Boomerang,
Restless Spirit, Wanda, Freda etc… Happy hour, dîner au resto, digestif sur
Boomerang et fin de soirée au pub avec live-band et locaux très sympas.
Appareillage à
midi. Grand beau temps. Vent de nord-est 10-12 nœuds. Mer peu agitée. Génois
léger seul, allure de grand largue. Route vers Grande Rivière Noire Bay.
2 heures plus
tard : la brise tombe puis s’inverse complètement pour venir du sud-ouest
à 15-18 nœuds. Il nous faut louvoyer afin de pouvoir rallier le mouillage.
J’affale le génois léger, hisse la grand-voile à 1 ris et déroule le génois. Le
vent tombe progressivement au rythme du soleil couchant. 10 minutes de moteur et
nous jetons l’ancre par 3,5
mètres de fond de sable noir (d’où le nom de la
baie !). 25 milles parcourus.
Mouillage sûr,
parfaitement bien abrité des vents dominants. Une jetée pour l’annexe, un grand
supermarché, et un réseau de bus irréprochable, et pas cher du tout.
Accessoirement :
ils sont en train de construire un mini Port Grimaud ; une résidence de
luxe avec appartement, place de parking + place de port privatives ! Ils
construisaient la même structure en Nouvelle-Calédonie, à quelques kilomètres
au nord de Nouméa.
Si
j’ai choisi comme première destination sur l’île le mouillage de Grande Rivière
Noire ; c’est parce que nous sommes à une dizaine de kilomètres du très
fameux spot du Morne. Ce site exceptionnel est classé Patrimoine de l’Humanité
par l’UNESCO de part son énorme bloc de basalte pesant plusieurs milliers de
tonnes posé là comme un amer marquant l’extrémité sud-ouest de Maurice, et
surtout le spot mondialement connu des windsurfers et kitesurfers pour ses
vagues mythiques ; à savoir : La puissante et imposante Manawa, la
très rapide et parfaitement lisse One Eye, et les plus modestes mais non moins
impressionnantes lorsque que la grosse houle de sud fait son apparition :
Chameau et Little Reef.
Windguru annonce
10-12 nœuds pour aujourd’hui sur le spot du Morne, donc la matinée de ce lundi-dernier
jour du mois de septembre sera consacrée à la visite du site naturel des
cascades de Chamarel, accès très facile en bus. Bon : c’est pas encore la
saison des pluies donc la cascade vaut le détour, mais sans plus. J’ai encore
du temps devant moi donc je décide d’aller voir ce fameux spot histoire de me
faire une idée. Le bus me dépose au bord de la route principale, et il reste 6 kilomètres à faire
jusqu’à la plage. Il n’y a pas de bus sur cette route fréquentée la plupart du
temps que par les riders et les clients des grands hôtels qui ne se déplacent
qu’en Taxi ou en navette privée. Qu’à cela ne tienne, le Pouce universel
fonctionne très bien ici. Durant ces 8 prochains jours où j’effectuerai le
trajet quotidiennement ; mes convoyeurs éphémères seront de toutes
nationalités : j’ai jamais vu ça nulle part ailleurs ! Des Russes,
des Polonais, Hongrois, Yougoslaves, Africains du sud, Italiens, Hollandais,
Suisses, Australiens, Anglais, j’ai même étais pris par un couple de Français
une fois ! Et aussi par un Prêtre Mauricien qui m’a appris que Benoît
signifié « béni de Dieu » dans sa langue (un genre d’Araméen
peut-être comme ils disent dans les films). Et ils sont tous à cet endroit
précis pour une seule et même passion ; le Ride ! Kitesurf, windsurf,
stand-up paddle board, surf. Et oui ; ici, même Dieu est un rider !!!
Première surprise
lorsque que j’arrive sur zone ; le vent souffle bien plus que prévu par
les sites météorologiques. Certes très irrégulier, mais déjà une bonne
soixantaine de pratiquants sont à l’eau ! Sans blague, ça va vraiment me
changer de mes spots privés habituels.
Deuxième
surprise ; Raphaël Salles ainsi qu’une bonne partie de son Staff sont dans
la place pour le Meeting annuel des revendeurs de la marque F.ONE.
Je vais donc tous
les côtoyer durant les 8 prochains jours, autant sur la plage au bord du lagon,
que sur l’eau ou dans les vagues !
Manoutéa (le
champion polynésien que j’avais déjà rencontré à Tahiti, sur le spot de la Pointe Vénus ), Mitu Monteiro
(le rider de Isla Do Sal, archipel des îles du Cap-Vert, nous nous étions ratés
de 2 jours lors de mon passage), Mickaël Fernandez, Céline Rodenas, Louis et Antoine (les 2 riders qui gazent très fort
en compétition), et bien entendu The Big-Boss Raphaël Salles.
Il y aura aussi
Yann, Emilie et Jérôme, les Suisses. Jérôme est juge sur la coupe d’Europe
féminine de ski alpin. Et nous avons bien-sûr quelques connaissances communes.
Les rencontres
rythment le voyage, elles le rendent sans aucun doute beaucoup plus attrayant,
intéressant et même parfois intriguant.
Je vais également
croiser le sillage de François ; un des revendeurs F.ONE que je
connaissais de La Rochelle ,
et surtout le must : 3 potes de Courchevel. Retour en arrière, au cœur des
excellentes années « Kalico ».
Ils sont venus en
famille : Cédric et Mélissa sont frère et sœur, accompagnés de leurs
parents Pascale et Alain ; tous moniteurs de ski à L’ESF de Courchevel et
adeptes de la plongée sous-marine. Kévin est le petit ami de Mélissa ;
rider pro et pisteur à Méribel-Mottaret. Une rencontre comme celle-là :
quel bonheur indescriptible dictée par une seule loi indéfectible : la
coïncidence, ou bien se trouver au même bon endroit, au même bon moment à la
fois ! C’est juste génial.
-
Mardi
1er octobre 2013 :
toujours
très peu de vent annoncé pour aujourd’hui sur le spot du Morne.
Il me vient alors
une idée saugrenue : quitter l’abri douillet offert par le mouillage
Grande Rivière Noire et trouver le moyen de mouiller près du spot, dans le
lagon, sous le vent de la pointe. La passe est bien visible par beau temps, et
l’abri semble être sûr une fois à l’intérieur, dérive relevée cela va s’en
dire.
Vent de sud
sud-est irrégulier 15-25 nœuds. Mer peu agitée puis agitée. Houle de sud de 3 mètres , 4 mètres d’annoncés pour
les jours à venir, avec des Alizés à 20-25 nœuds. Il faut savoir que le spot du
Morne est soumis à une brise thermique côtière très puissante. Il faut ajouter
10 nœuds aux prévisions du site internet Windguru. C’est pour cela que même
lorsqu’il annonce seulement 8 à 10 nœuds d’est ou de sud-est, le vent rentre à
20 nœuds sans soucis. Par contre, il tombe complètement environ une heure avant
le coucher du soleil. Il faut bien évidemment éviter de se trouver à Manawa ou
à One Eye à ce moment là, car le courant vous emporte en pleine mer ! Et
là Bye bye ! RDV à Madagascar…
Deux bords de près
plus tard sous GV à 2 ris + génois enroulé de quelques tours : nous nous
trouvons à moins d’un mille de ladite passe en question.
Mauvais
présage : de loin, ce que j’avais pris pour un îlot était en fait la vague
de One Eye, énorme, puissante, majestueuse, et déroulant à la perfection !
Au sein des plus grosses séries : les vagues atteindront ce jour là plus
de 4,5 mètres .
La passe d’accès
au mouillage est juste impraticable ; barré par la houle qui déferle de
part et d’autre en d’énormes rouleaux. Demi-tour, on rentre à Grande Rivière
Noire en longeant de très prêt la barrière de corail et en prenant des rafales
à plus de 35 nœuds parfois, avec un maxi à 43 nœuds. Nous serons de retour à
l’ancre en 45 minutes. Une petite ballade de 18 milles en boucle quoi !
Nous avions mis un
peu plus de 2 heures 30 à l’aller. Et pour la petit histoire : le virement
de bord s’est fait sous la pression d’une rencontre incroyable avec un cachalot
de la taille de Free Spirit !
J’étais à
l’intérieur lorsque j’ai entendu deux énormes « splatch »
consécutifs. Intrigué, je sors et aperçois la queue du cétacé en train de
frapper violemment la surface de l’eau à moins de 20 mètres de la proue.
Houlala, ON VIRE !!! Sa tête était plate, couleur de peau uniforme gris
foncé, et petit aileron ressemblant à celui d’un requin ; pas d’erreur
possible : c’est un cachalot. Il paraît qu’ils croisent toute au long de
l’année dans les eaux mauriciennes, mais sont habituellement en groupe. Dans la
précipitation et l’excitation : je n’ai malheureusement pas eu le temps de
prendre de photo.
25 heures de Kite
en 8 jours, la plupart du temps dans du 25-30 nœuds.
Je retrouve Sholga
(rencontré à Rodrigues) avec à son bord Gilles le capitaine et Sophie la
boat-stoppeuse qui pratique aussi le kitesurf. Sophie va m’initier au
Yaga : excellente discipline pour tous les pratiquants de sports de
glisse.
-
Mercredi
9 octobre :
3
ans et 2 jours que Free Spirit a quitté les eaux territoriales métropolitaines
françaises ! (Départ le 7 octobre
2010 ndlr).
Il est temps pour
nous d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Je me fixe comme objectif de
contourner l’île par le sud afin de rejoindre le lagon navigable situé sur la
côte est, entre Mahebourg et Trou d’Eau Douce.
12h30 : Free Spirit quitte son mouillage à la voile,
tout dessus. Vent de sud sud-ouest 5 à 10 nœuds. Mer calme. Petite houle
croisée de nord et de sud. Le ciel est dégagé à l’ouest et chargé sur les
terres, comme c’est très souvent le cas sur les îles soumises au régime des
Alizés.
Il nous faut
encore faire du près… et puis zut : changement de programme. Cap au nord
en longeant la côté ouest. Allure de grand-largue, voiles en ciseaux.
20h00 : pétole, mer d’huile ; j’affale tout.
Dodo à 3 milles de la côté comme si nous étions au mouillage en quelque
sorte.
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Jeudi
10 :
7h00 : une bonne nuit de sommeil nous fait repartir
de plus belle. La brise se lève de l’est, 5-10 nœuds. Tout dessus, allure de
près, cap au 40°. Mer calme. Beau temps.
En fin de
matinée : j’assiste à un spectacle plutôt rare : les Maï-Maï en
chasse ! Ces formidables prédateurs forment un groupe de 3 ou 4 spécimens
et bondissent à près de 50 cm
à 1 mètre
au dessus du niveau de la mer en quête de leur proie. J’avais assisté à cela en
arrivant à l’atoll des Tuamotu en Polynésie. La nature comme je l’aime.
Deux très grands
bords de près dans du vent faible nous permettent enfin de rallier le mouillage
de Grand Baie, situé au nord de Maurice.
50 milles
parcourus en tout et pour tout.
Grand Baie est
très touristique. L’abri pour les bateaux est excellent. Un hypermarché Super U
facilite l’avitaillement. Restos, bars, magasins de marque etc…
On trouve ici une
grosse communauté d’hindous et de musulmans. Le Muezzin, du haut de son
minaret, ne manque pas de nous réveiller dès 5 heures du matin.
On trouve comme
partout à Maurice mais aussi à Rodrigues, ces petits marchants de Farata qui se
déplacent en mobylette. La
Farata est LA spécialité locale : de la farine, de
l’eau, de l’huile et du sel. Une fois cuite : ça ressemble à une crêpe. Elles
sont généralement garnies de sauce curry et tomate, petits légumes divers, avec
ou sans piment. Rares sont ceux qui les proposent sucrées, et c’est fort
dommage !
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Vendredi
11 :
nous
quittons Grand Baie pour notre prochaine escale en dehors des sentiers battus
(enfin tout est relatif, vous verrez pourquoi un peu plus loin !), les
îlots Plate et Gabriel. Il est possible de mouiller au cœur d’un petit lagon
qui assure la liaison entre les 2 îlots via une passe particulièrement très
étroite et truffée de patates de corail. Ce mouillage est exclusivement réservé
aux petites embarcations, dériveurs,
catamarans. Une visibilité parfaite est indispensable et cruciale au
risque de se faire pousser sur le corail par un courant constant est toujours
sortant d’environ 1 à 2 nœuds. A proscrire en cas de forte houle comme c’était
effectivement le cas la semaine dernière, ainsi que par forts Alizés
établis.
Vent d’est 10-12
nœuds. Mer peu agitée. Tout dessus en 3 bords de près, nous arrivons devant la
passe à 17 heures. Le ciel est couvert, le soleil est déjà bas sur l’horizon,
le mouillage est désert. Il est trop tard pour se risquer seul, sans
visibilité, dans un endroit que je ne connais pas, et de surcroît dangereux
même lorsque toutes les « bonnes » conditions sont réunies. Demi-tour
sur Grand Baie.
Encore une
navigation journalière en boucle de 25 milles. Au moins ; on navigue, on
prend l’air et on visite quoi ! De toute façon, la sécurité de Free Spirit
ne se discute pas !
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Samedi
12 :
deuxième
tentative. Je lève l’ancre à 8 heures précises. Vent d’est sud-est 18-25 nœuds,
mer agitée, petite houle de sud-est, très beau temps. GV à 2 ris + trinquette.
Cette fois ; nous atteindrons notre but en moins de 3 heures (malgré un
léger courant contraire), et 11 milles parcourus sur un seul bord de près,
tribord amure, cap au 50°. C’est en serrant les fesses que nous embouquons la
petite passe au moteur évidemment, au milieu des écueils coralliens et face à
1,5 nœud de courant sortant. Le jeu en vaut tout de même la chandelle. Je
laisse tomber l’ancre par 1
mètre de fond de sable, face à l’îlot Gabriel.
Evidemment :
l’endroit, qui n’est pas sans me rappeler Petite-Terre, situé à 10 milles au
vent de Saint-François en Guadeloupe, attire les catamarans-promène-touristes
(9 aujourd’hui, le double demain dimanche), mais comme toujours, ils arrivent
tous en même temps et empruntent la passe à la queue leu leu, en gros entre
10h30 et 11 heures, puis musique, bières, plongeons, BBQ et font de même pour
le départ ; entre 14h30 et 15h30. Le reste du temps : il y a
seulement 2 ou 3 gardes-côtes sur l’îlot Plate et c’est tout ! Il est
interdit de passer la nuit à terre.
Free Spirit sera
pris en photo par tous les touristes qui passent par notre travers arrière pour
une seule chose que je vais mettre un petit moment avant de comprendre le
pourquoi du comment ! Trinquette bien-sûr ! La Reine du bord.
Un phare surplombe
le point culminant de l’île plate (qui n’est pas plate du tout d’ailleurs) et
donne lieu à une belle ballade au cœur de l’île. Le panorama sur le mouillage,
les îles alentours ainsi que Maurice est exceptionnel.
C’est ici que les
locaux vont me présenter le « Paille en queue » et m’apprendre
que cet oiseau blanc avec une longue queue (d’où le nom) est en fait l’emblème
de l’île Maurice. Et non pas le fameux Dodo que l’on voit dessiné
partout ; sorte de gros dindon, lequel n’ayant jamais eu de prédateur
terrestre, à part l’homo-sapiens bien entendu, n’a jamais appris à voler. Le
Dodo a disparu de la circulation depuis belle lurette.
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Dimanche
13 :
encore
une belle journée ensoleillée ! Les touristes sont venus, ils ont
vus, beaucoup bus, puis sont repartis,
nous laissant seul au monde.
Nous ferons de
même 3 heures plus tard, au soleil couchant, fort jolie soit dit en passant,
pour une navigation de nuit.
15-20 nœuds d’est,
mer agitée. Il nous faudra tirer 3 bords de près (GV à 2 ris +
trinquette : nous ne sommes pas pressés et pour cause : nous avons
toute la nuit devant nous !) afin de rallier notre prochain mouillage de
l’île au Cerfs, situé au cœur du lagon de la côte est, à 4 milles au sud de
Trou d’Eau Douce.
C’est donc lundi
matin à 6h45 que Free Spirit embouque la passe de Trou d’eau Douce afin de nous
rendre au mouillage de l’île aux Cerfs. Dérive relevée, navigation à vue et aide
du sondeur : 3 conditions indispensables pour ce genre d’exercice. Le GPS
ne sert que pour connaître sa vitesse ainsi qu’une éventuelle dérive car le
lagon Mauricien, comme beaucoup de lagon de part le monde, n’est pas
cartographié. Nous passerons dans 1 mètre d’eau, et encore la marée est haute.
Ceci dit : le marnage est d’à peine 30 centimètres en ce
moment.
Arrivée à 7h30 au
mouillage, 1,2 mètre de fond de
sable. 40 milles parcourus.
L’île Maurice
offre un terrain de jeu idéal pour les voiliers à faible tirant d’eau comme
Free Spirit et il serait fort dommage de ne pas en profiter, surtout lorsque
l’on sait que les prochaines navigations dans un lagon seront au cœur de
l’archipel des Grenadines. Autrement dit aux Antilles !
Le spot est
magnifique, et malheureusement encore très touristique. Mais heureusement
toujours aussi désert après 17 heures.
Encore et toujours
la visite des Coast-guards puis je me rends à terre où j’ai RDV avec mes amis de
Courchevel.
Ah oui au
fait : ici à Maurice ; il est impossible de changer de mouillage sans
avoir perpétuellement la visite des gardes-côtes. Où que l’on aille, il faut
montrer patte blanche et remplir une fois de plus toujours la même feuille avec
toujours les mêmes renseignements. Si vous êtes en règle : ce sera
toujours tout sourire qu’ils vous accueilleront.
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Mardi
15 :
île
au Cerfs – île aux Aigrettes (ou pointe d’Esny, village de Mahebourg). Vent
d’est 5-10 nœuds. Très beau temps, lagon presque lisse. 10 milles à parcourir
au vent de travers bon plein, tout dessus, dérive toujours relevée car les 3 quarts de la route plein
sud s’effectueront au sein du lagon dans moins de 2 mètres de fond.
Départ à 9 heures,
arrivée à midi et demi. 20 minutes de moteur.
Très beau
mouillage exclusivement réservé aux faibles tirants d’eau. L’accès à Blue Bay
et sa fameuse réserve sous-marine se fait très facilement ; 10 minutes en
bus. Pareil pour se rendre au centre-ville de Mahebourg.
La pointe d’Esny
est aussi connue comme étant un bon spot de Kitesurf et je n’en doute pas une
seule seconde.
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Jeudi
17 :
6h00 : il a beaucoup plu et le vent s’est levé en
seconde partie de nuit pour souffler à 25-30 nœuds de sud-est (pas annoncé par
la météo bien entendu).
Je vais attendre
que ça se calme avant de lever l’ancre et mettre le cap sur Trou d’Eau Douce.
Les conditions
sont bonnes à partir de midi. Le ciel reste tout de même très couvert et il
faut rester vigilant tant que nous ne sommes pas dans la ligne de fond
supérieure à 3 mètres .
D’ailleurs : je préfère passer par l’extérieur de la barrière de corail
plutôt que d’emprunter le même chemin qu’à l’aller, via le mouillage de l’île
aux Cerfs. Départ à 13 heures avec un vent idéal de sud 10-15 nœuds. Grand
largue, tout dessus, cap plein nord et 16 milles à parcourir. Nous arrivons à
Trou d’Eau Douce à 17 heures et jetons
l’ancre par 12 mètres
de fond, j’avais perdu l’habitude.
Ce mouillage n’a
pas un grand intérêt mais je dois retrouver Mister Yankell et sa petite famille
venus passer 4 jours à Maurice afin de participer à un tournoi de beach-tennis.
Yankell a été champion du monde de la discipline tout de même. Le voyage a été
beaucoup plus court que le mien pour nous rencontrer ici : ils arrivent de
La Réunion où
ils sont installés depuis plusieurs années déjà, 40 minutes en avion. J’arrive
de La Palmyre
(d’où nous nous sommes connus Yankell et moi lors de nos saisons estivales au
Bar Le Golfy), 3 ans en voilier (plus 15 minutes en bus) !!!
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Samedi
19 :
bientôt
la fin du séjour à Maurice et il nous faut penser à rejoindre Port-Louis pour
les formalités de départ. Nous emprunterons le passage nord avec un petit stop
à Grand Baie. Euh non, réflexion faite ; nous nous arrêterons à Pereybère,
plus exotique et surtout à proximité du cap Malheureux et de son spot de
Kitesurf.
Trou d’Eau Douce –
Pereybère = 23 milles à parcourir dans
la matinée.
Toujours du grand
beau temps, mer agitée, vent d’est 15-20 nœuds. Houle de sud-est d’environ 2 mètres . La passe de Trou
d’Eau Douce, étroite et peu profonde, orientée pile face au vent, et assujettit
à la houle qui déferle en rouleaux de part et d’autre du passage ainsi qu’à la
mer qui forme un mascaret contre le courant sortant, ne va pas être facile à
négocier. 20 minutes de moteur seront
nécessaires afin de nous dégager de cette vilaine situation. Et un petit coup
de sang lorsque Free Spirit a littéralement plongé la proue la première dans
une vague de mascaret plus grosse que les autres qui a recouverte le pont, une
grosse partie du roof, les passavants, et qui est venue finir sa course folle
sur la plage arrière. Impressionnant, mais plus de peur que de mal.
Heureusement ; tous les capots étaient fermés.
Après cet épisode
rock’n roll ; nous voici donc paisiblement partis pour le nord de l’île
Maurice, grand largue, puis voiles en ciseaux, tout dessus, et que ça
glisse !
Fait atypique et
plutôt anecdotique : j’ai vu une plateforme de forage pétrolifère passer
au large, tractée par un énorme remorqueur, sur une route sud-ouest vers
nord-est. Les spéculations vont bon train quant à cette étrangeté ! Les
plateformes sont-elles fabriquées et assemblées en Afrique du sud, puis
acheminées par voie maritime jusqu’au Golfe d’Aden ??? Vous imaginez la
distance que cela représente ?
Bref : je ne
saurai peut-être jamais le fin mot de l’histoire.
Midi : l’ancre tombe dans 3 mètres de fond de sable
et d’eau turquoise, à 50
mètres de la plage, certes municipale mais belle plage
quand même. Free Spirit est seul au mouillage et je préfère être ici plutôt
qu’à Grand Baie.
Une salade en
guise de déjeuner, un café illico presto, le matos, 15 minutes de bus, et nous
voici sur le spot de Kite !
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Lundi
21 :
notre
dernier jour à Maurice ! Snif… Et oui, toutes les bonnes choses ont une fin.
230 milles parcourus de mouillages en
mouillages. Nous n’avons pas effectué le tour complet de l’île (soit une
centaine de milles) à cause d’une météo défavorable au moment où j’avais
planifié le passage de la côte est à la côte ouest par le sud de l’île, mais
c’est tout comme. Le principal est que nous en avons très bien profité.
Départ à 10h30
pour Port-Louis. Je m’en serais bien passé mais il n’y a pas moyen d’y
déroger ; les formalités de départ ne peuvent s’effectuer qu’au quai des
Officiels de la capitale.
Météo inchangée et
sans surprise. Ca : le moindre qu’on puisse dire de Maurice ;
c’est qu’il fait beau ! Vent d’est 10-12 nœuds, le top. Le génois léger
suffira amplement.
Nous accostons à
14 heures, après une gentille ballade pépère de 15 milles.
Un petit tour à la
marina Caudan histoire de voir s’il reste des bateaux connus. Et bien non. Ils
sont tous partis pour La
Réunion (sauf Wanda mais je ne vois personne à bord).
Remarque, plus de 3 semaines cloîtrés ici sans naviguer ; je peux
comprendre qu’ils aient tous eu envi de changer d’horizon !
Un passage au
marché ainsi qu’au supermarché histoire de dépenser les quelques roupis
mauriciens qu’ils me restent. Un point sur la météo (vent faible annoncé) et
les mails. La paperasse. Un ultime dîner en terre mauricienne et nous sommes
repartis.
Amarres larguées à
20 heures tapantes, cap sur l’île de La Réunion ! A vous les studios…
De
l’île Maurice à l’île de La
Réunion
(archipel
des Mascareignes).
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Lundi
21 octobre 2013 :
après
une journée bien chargée (car je rappelle que ce matin : Free Spirit était
encore mouillé à Pereybère, petite baie juste à l’est de Grand Baie, à un peu
plus de 15 milles de Port-Louis), nous appareillons du quai des Officiels une
fois le rituel des papiers terminé, il est 20 heures. Nous sortons au moteur,
éclairé par les lumières de la ville en arrière, les projecteurs du port sur notre
tribord et le clair de lune, plutôt modeste face à toute cette concurrence
déloyale ! Elle se rattrapera une fois en mer…
Le vent souffle de
l’est à 8-10 nœuds, la mer est calme à peu agitée, une légère houle de sud se
fait ressentir sans pour autant dégonfler notre unique voile à savoir le génois
léger. Allure de largue, cap au 230°, route sur le sud de l’île de La Réunion , matérialisé par la Pointe de La Table. 140 milles à
parcourir au total.
Le ciel est
dépourvu de nuages, et au fur et à mesure de notre éloignement de la pollution
luminescente, magnifiquement étoilé. Conditions idéales pour passer une bonne
nuit en mer, paisible et sans surprise, ce qui s’avère être plutôt rare dans
notre cas. Surtout depuis que nous évoluons au cœur de l’Océan Indien.
-
Mardi
22 :
7h30 : toujours du grand beau temps. Les conditions
sont proches de la perfection. Rien de spécial à signaler.
13h00 : à 60 milles de distance ; j’aperçois
déjà le point culminant de La
Réunion ! Le Piton des Neiges s’élève à 3 mètres au dessus du niveau de la mer. Il est
le point le plus haut de tout l’océan Indien. Tandis qu’à une distance légèrement
moindre, Maurice se distingue encore dans notre sillage.
20h00 : JOUR 1. 21°00 de latitude sud, 56°21 de longitude est ; 83 milles parcourus ces premières 24 heures. Reste
57 milles jusqu’au port de Saint-Pierre.
La mer est devenue
un peu plus agitée et croisée en tous sens ; ça bouge beaucoup à bord,
tandis que le vent est tombé sous l’influence néfaste d’un gros nuage dépourvu
de pluie. J’affale donc le génois léger, et déroule le génois tangonné sur
tribord car il souffle dorénavant du nord-est. Cap au 245°, allure de plein
vent arrière.
-
Mercredi
23 :
6h00 : quelques dauphins matinaux viennent nous
souhaiter le bonjour, ça fait toujours plaisir au sortir du lit.
Encore du grand
beau temps, vent d’est nord-est 8-12 nœuds, mer agitée croisée avec houle de
sud-est d’environ 1 à 1,5
mètre .
L’île de La Réunion nous apparaît
d’ores et déjà parfaitement dans sa majestueuse grandeur forçant au respect qui
lui est dû, avec en point culminant le Piton de La Fournaise , tandis que
Free Spirit navigue paisiblement droit sur la Pointe de La Table situé au sud-est de l’île. Seuls quelques
minuscules nuages ça et là viennent entacher ce tableau bien spécifique.
10h30 : au passage du cap Méchant (ça s’invente
pas !) ; le vent bascule à l’ouest et souffle en rafales
irrégulières. Le courant vient dans le même sens et nous freine de 1,5 nœud. La
montagne se couvre de nuages. Pas trop le choix pour le moment : moteur.
Il nous reste 15 milles à parcourir face au vent et au courant. Autant dire que
je suis clairement désappointé.
14h00 : les 15 derniers milles vont être très très
longs. Le courant s’accélère pour nous freiner de 2 nœuds environ. Le vent
d’ouest, également contraire, est suffisamment fort pour nous ralentir encore,
et pas assez pour tirer des bords sous voiles. La mer est ubuesque, trop
mauvaise pour hisser les voiles qui seraient constamment gonflées puis
dégonflées d’un bord sur l’autre au gré des mouvements saccadés et violents du
bateau. C’est maintenant que l’on paie le prix d’une traversée idéale. Au
moteur ; dans l’état actuel des choses : nous progressons de 1 mille
par heure (au lieu de 4,5 milles dans des conditions normales). Nous n’allons
pas nous taper 15 heures de moteur pour couvrir une distance de 15 milles et en
plus arriver de nuit. Donc j’éteins le moteur jusqu’à ce que le courant
s’inverse. Ou que le vent nous soit de nouveau favorable.
15h00 : comme prévu : nous avons reculé de 2
milles en l’espace d’une heure. Le vent d’ouest semble souffler un chouia.
Hissons les voiles, au près tribord amure. 210° cap compas, 140° cap GPS :
houlala, ça pique un peu ! Au moins nous ne reculons plus. Bien que nous
nous éloignons quand même de notre route.
16h00 : plus d’air. J’affale tout.
18h22 : coucher du soleil.
20h00 : JOUR 2. 21°23 sud,
55°44 est ; 50 milles
parcourus. Reste 15 milles jusqu’au port de Saint-Pierre.
20h30 : de retour au cap méchant (il porte bien son
nom celui là). 10 milles de dérive en
arrière en 7 heures de temps, et plus de 3 heures de moteur pour rien. Enfin
si, peut-être que cela nous a évité de retourner à Maurice !
-
Jeudi
24 :
5h00 : nous avons totalisé 18 milles de dérive
depuis 15 heures hier après-midi, soit une moyenne de 1,2 nœud de courant
contraire, ça : c’est la mauvaise nouvelle. Il nous reste donc 30 milles à
parcourir jusqu’au port de Saint-Pierre. La bonne : le point de vue sur
les 2 coulées de lave formées par l’éruption du Piton de la Fournaise en 2006 est splendide.
On s’aperçoit bien que Dame Nature n’y a pas été avec le dos de la cuillère
afin de façonner l’île Bourbon. Respect et humilité.
Il fait beau, la
mer s’est bien calmée, et une légère brisette d’ouest peut nous faire reprendre
notre progression, ou tout au moins stopper notre dérive. Voiles hissées, au
près tribord amure, et ça déhale au cap 210° ! Mais pas pour longtemps
malheureusement…
7h30 : j’affale tout… Bouzin…
11h00 : le vent d’est sud-est tant espéré fait enfin
son entrée. Merci Eole !
Génois + génois
léger en mode booster, chacun son bord, chacun son tangon. Le même courant
qu’hier continue à nous handicaper, mais la mer est plus calme. C’est ainsi
que malgré une brisounette faible de 6 à
10 nœuds ; les voiles restent stables et bien gonflées. Le GPS indique 4
nœuds de vitesse, donc c’est good. Il nous reste une quinzaine de milles à
parcourir.
Arrivée à 15
heures au port de Saint-Pierre.
Résumé
de la traversée.
Free
Spirit a parcouru 150 milles en moins de 3 jours ! La moyenne ne voudrait
rien dire dans un contexte de navigation pareil donc, je n’en ferais pas
mention.
53 heures de barre
dans du light wind pour notre pilote de prêt venu secourir notre pilote de
secours !
14 heures à la dérive le long de la côte sud-ouest de La Réunion.
7 heures et 30 minutes de moteur ; j’en suis pas fier.
Mais il arrive parfois que les éléments naturels mis en œuvre ne vous laissent
pas vraiment le choix. Bien que, le choix : nous l’avons toujours !
Mon
Bébé à 6 ans !!! Et le cordon ombilical qui le reliait à l’organisme
bancaire dont je tairais le nom est aujourd’hui rompu. Free Spirit est d’ores
et déjà à moi et rien qu’à moi.
Merci quand même
l’Ecureuil.
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